L'an dernier, Atom Egoyan a vécu un véritable cauchemar au Festival de Cannes. The Captive lui a valu les plus mauvaises critiques de sa carrière. Le cinéaste a toutefois eu l'occasion de se ressaisir très vite en plongeant dans le tournage de Remember.

Dans une carrière de cinéaste, il arrive parfois - pas toujours - qu'un film suscite des réactions particulièrement violentes. L'an dernier, Atom Egoyan a vécu l'un des pires moments de sa vie lors de la présentation de The Captive au Festival de Cannes. Il appert pourtant qu'après avoir été traîné dans la boue presque unanimement par la critique, The Captive a mené une carrière fort honorable auprès du public, devenant même le film le plus populaire jamais réalisé par le cinéaste canadien.Encore aujourd'hui, Atom Egoyan a du mal à comprendre ce qui s'est passé.

«À Cannes, ce fut un vrai cauchemar, déclare-t-il au cours d'un entretien accordé à La Presse. À ce qu'on me dit, Gus Van Sant a vécu le même genre d'expérience là-bas cette année. Habituellement, même si un film est moins bien accueilli, il se trouvera quand même toujours quelques critiques pour le défendre. Là, rien. Je ne sais pas comment analyser la profonde fracture entre le public et la critique à propos de ce film. Je me suis senti très isolé en tout cas. D'autant plus que rien n'annonçait cela. Le comité de sélection du festival a vu le film très tôt, l'a sélectionné très tôt, et il lui a attribué l'une des meilleures places dans la grille. C'est très étrange.»

Le cinéaste s'estime chanceux d'être tout de suite tombé sur le scénario de Remember.

«Après l'épisode The Captive, qui m'a épuisé, le scénario de Remember est arrivé à point nommé, explique-t-il. On y aborde des thèmes qui me sont proches, mais d'une façon très simple. Dans mes films, les personnages sont habituellement conscients de leur malheur et de la souffrance qu'ils éprouvent. Ils sont aussi hypersensibles au sentiment de perte. Là, tout se joue de façon inconsciente. Cela amène un ton différent, de même qu'une mise en scène de nature réaliste. J'ai voulu filmer cette histoire de façon très directe.»

Ovation à Venise

Ne souhaitant pas retourner tout de suite sur la Croisette, Atom Egoyan a préféré soumettre Remember à la Mostra de Venise. Sélectionné en compétition officielle, le film a reçu là-bas une ovation de 10 minutes.

«Il y avait quelque chose de viscéral dans cette réaction, fait remarquer le cinéaste. Est-ce parce que les Italiens ont connu le fascisme? Peut-être. Felicia's Journey, qui abordait des thèmes similaires, avait reçu le même genre d'accueil là-bas. Je ne pensais jamais qu'un public applaudirait un moment violent dans un de mes films et, pourtant, c'est arrivé. C'est un peu troublant, mais j'ai pu l'anticiper lors de la projection à Venise. Je sentais cette tension dans la salle et ce moment de "soulagement" était presque inévitable en quelque sorte. Cela dit, il y a du vrai public à la Mostra, contrairement à Cannes, où il n'y a que des professionnels et des journalistes.»