Même s'il dit «ne plus rien comprendre» à l'industrie du cinéma, Martin Scorsese parvient toujours à rester intègre et à nourrir sa passion pour la réalisation. Il est aujourd'hui au sommet de son art.

Avec Martin Scorsese, il n'y a pas d'automatismes, pas d'échanges «naturels» de bons services. Même à l'époque où Robert De Niro était son acteur fétiche, le cinéaste ne se lançait pas tête baissée dans un projet sous prétexte qu'une idée lui avait été suggérée par l'acteur.

«Quand on me propose quelque chose à lire, je ne réponds jamais tout de suite, a-t-il expliqué lors d'une conférence de presse organisée en marge de la sortie prochaine de The Wolf of Wall Street. Je dois trouver ma voix, avoir une idée claire de ce que je peux apporter en tant que metteur en scène. J'ai mis six ou sept ans avant d'accepter de réaliser Raging Bull. Il m'en a fallu 10 avant de dire oui pour The King of Comedy. Ces deux projets m'avaient été apportés par Bob.»

Une idée de Leo

Quand Leonardo DiCaprio, son acteur fétiche depuis Gangs of New York, lui a soumis l'idée d'une adaptation du récit autobiographique de Jordan Belfort, Martin Scorsese n'avait guère envie de replonger dans un monde de requins alors qu'il venait à peine de terminer The Departed.

«La première question que je me pose toujours est: est-ce que cela en vaut la peine? Faire un film aujourd'hui, c'est un combat de tous les instants. Il me fallait aussi trouver une approche différente de celle empruntée dans mes autres films. Puis, les marchés financiers se sont écroulés en 2008. Cette histoire est alors devenue très pertinente.»

Produit à l'extérieur du système hollywoodien, avec une équipe de production qui souhaitait que le cinéaste amène sa vision de la façon la plus franche possible, The Wolf of Wall Street a failli être recalé par la Motion Picture Association of America sur le plan de la cote. Il s'en est en effet fallu de peu pour que le film soit relégué aux productions destinées aux adultes seulement, principalement à cause de scènes de nature sexuelle. Il aura finalement obtenu la cote «R» (les enfants de moins de 17 ans doivent être accompagnés d'un adulte), plus viable commercialement. Chez nous, le long métrage est interdit aux moins de 16 ans.

«Je négocie avec ces gens depuis 1973, ce n'est rien de nouveau! fait remarquer le cinéaste. J'ai dû, à l'époque, couper dans Mean Streets des scènes qu'on peut voir dans tous les bulletins de nouvelles aujourd'hui! Il ne manque rien dans The Wolf of Wall Street. Le plus difficile aura été de livrer un film d'une durée de moins de trois heures. Il fait 2 h 59!»

Plus rien n'est pareil

Avec Steven Spielberg, Clint Eastwood, Woody Allen et quelques autres géants du cinéma américain, Martin Scorsese reste l'un des rares cinéastes à pouvoir continuer à creuser son sillon sans compromettre ses valeurs artistiques.

«Honnêtement, je ne sais plus comment ça fonctionne maintenant. Je ne sais plus qui commande. Tout a changé depuis l'époque où j'ai commencé à faire du cinéma. J'ai 71 ans. J'ai vécu mon adolescence dans les années 50. Il est évident que l'Amérique n'est plus du tout la même.»