Sandra Bullock s'est placée entre les mains d'Alfonso Cuarón, qui l'a virtuellement expédiée dans l'espace en compagnie de George Clooney. Gravity suit la lutte pour sa survie d'une femme qui pensait ne plus vouloir vivre. Discussion sur le technique et le virtuel, donc le terre à terre, d'un projet spécial et «spatial».

«Il faudrait faire un film sur la manière dont nous avons fait celui-ci!». Sandra Bullock, toujours pleine d'humour et faisant preuve d'une irrésistible autodérision en entrevue, sourit en disant cela. Mais force est d'admettre que le tournage de Gravity ferait un supplément fascinant pour le (futur) DVD du long métrage signé Alfonso Cuarón.

Cette conclusion, l'actrice oscarisée pour son rôle dans The Blind Side et le réalisateur d'Y Tu Mamá También, Children of Men et Harry Potter and the Prisoner of Azkaban y arrivent après avoir passé une vingtaine de minutes en compagnie d'une poignée de journalistes canadiens, pendant le Festival international du film de Toronto. Une table ronde pendant laquelle ils ont passé le tiers du temps, probablement plus, à répondre à des questions concernant les aspects techniques de ce film de survie au visuel révolutionnaire.

Car Gravity se déroule en quasi-totalité dans l'espace et en l'absence de gravité. Et doit donner l'illusion parfaite de cela.

Le scénario, première collaboration entre Alfonso Cuarón et son fils Jonás, suit la docteure Ryan Stone (Sandra Bullock), brillante ingénieure médicale, dans sa première mission à bord de la navette spatiale. À ses côtés, Matt Kowalsky (George Clooney) qui en est, quant à lui, à son dernier voyage dans l'espace. Ils font une sortie de routine quand les débris frappent la navette de plein fouet. Eux aussi. L'engin est détruit. Eux survivent. Mais sont perdus dans l'espace. Sans moyen de communiquer avec la Terre.

Séparée du vétéran, Ryan ne peut plus compter que sur elle-même.

«Notre travail n'a pas été très structuré, il a plus consisté à essayer de trouver comment faire les choses», fait le réalisateur qui, pendant longtemps, n'a rien eu à montrer à ses producteurs. «On travaillait en petite équipe et on les sentait, carrément, arriver au studio. Tiens, on a des combinaisons, aujourd'hui! dit en riant Sandra Bullock. Alfonso tentait de les rassurer: «Ça va ressembler à ça, mais en mieux.»»

«Et ce n'est pas que nous ne voulions rien leur montrer. C'est que nous n'avions rien à leur montrer», se souvient Alfonso Cuarón avant de se lancer dans quelques explications.

Il était clair pour lui que les astronautes allaient flotter dans l'espace, dans le silence de l'espace, dans la nuit de l'espace. «En quelque sorte un hommage à la gravité zéro, mais aussi à la résistance zéro, poursuit le réalisateur. Ce qui signifie que les personnages et les objets allaient flotter, mais aussi, s'ils commençaient à tourner, par exemple, tourner indéfiniment - en théorie.»

Un maestro de la longueur

Quand on connaît son talent de maestro pour les scènes longues et fluides, on comprend pourquoi ses yeux pétillent quand il évoque cela. D'autant plus qu'au moment de la rencontre de presse, il avait vu la réaction du public à Gravity. Les mâchoires décrochées. Les fesses serrées sur le bord du siège. La respiration coupée. Mais le regard émerveillé. Parce qu'au-delà de l'histoire et du suspense (les astronautes survivront-ils?), il y a la beauté des images de la Terre vue de très haut. Qui tourne. Se fait caresser par le soleil levant. Couchant. Et la chorégraphie, magnifique, des humains se déplaçant en apesanteur.

Pour parvenir à ce résultat, les artisans du film ont «dû mettre au point des technologies en ne sachant pas si, au bout du compte, ça fonctionnerait ou pas», raconte Alfonso Cuarón. Avec son équipe, en préproduction, il devait garder en tête qu'un jour, un acteur serait de la partie. Aurait à enfiler les harnais. À se laisser suspendre. À se faire «manipuler»... par des marionnettistes - entre autres ceux qui ont donné vie, sur scène, au personnage principal de War Horse. Un cheval, oui.

«Si je me penchais et tendais le bras dans une direction, eux savaient que mon corps et mes jambes devaient pivoter dans telle autre direction, s'élever à tel degré. Ils les déplaçaient en conséquence», poursuit l'actrice. Avant le tournage d'une scène, elle regardait une animation qui lui montrait ce qu'elle devrait faire, le moindre de ses gestes devant se couler avec une précision parfaite dans le «béton» qu'était la séquence préprogrammée où objets et décors avaient déjà leur place, immuable.

Ces séquences, Sandra Bullock a participé à les créer en amenant des idées, en donnant ou en proposant des changements à des choses qu'elle «ne sentait pas». Mais une fois les ordinateurs entrés dans le jeu, impossible de modifier quoi que ce soit. «Dans un film normal, on s'ajuste en cinq minutes. Ici, ça aurait demandé deux mois de travail», indique Alfonso Cuarón, qui n'avait pas, n'avait plus, ce temps-là. «À un moment donné, nous avons senti de la pression.»

Le tournage, souligne Sandra Bullock, n'a pourtant pas été très long. «Mais, bon, c'est une industrie, un business. Quelqu'un nous donne de l'argent pour faire quelque chose... et dans ce cas-ci, nous ne pouvions rien montrer et même expliquer! Je peux comprendre l'inquiétude.» Une inquiétude qu'elle n'a pas ressentie. Même en étant, pendant le tournage, pour ainsi dire dans le noir en ce qui concernait le résultat final. Pas entre les mains d'Alfonso Cuarón.

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Gravity (Gravité) prend l'affiche le 4 octobre.