Pour son premier long métrage, l'acteur franco-portugais Ruben Alves a décidé de faire un film personnel sans se douter que son histoire était aussi universelle. Nous l'avons joint dans sa deuxième maison, à Lisbonne, où il fait la promotion de La cage dorée.

Un premier long métrage (sans vedettes) réalisé par un jeune acteur français d'origine portugaise qui s'avère un succès (1 200 000 entrées en France): la chose mérite d'être soulignée. La cage dorée a été la surprise du printemps en France. Après la Suisse, la Belgique et le Portugal, le film sort au Québec cette semaine. Et les Québécois risquent de bien accueillir cette comédie tendre, lumineuse et humaine.

Bien sûr, le réalisateur de 33 ans avec une formation en théâtre (il a fait partie de la distribution d'une dizaine de films en 10 ans) n'avait pas du tout prévu ce succès. «Réaliser un long métrage, c'est une partie de poker, explique-t-il en entrevue. La rencontre d'un film avec le public, c'est toujours relatif. Je ne m'attendais à rien.»

Phénomène social

Au-delà du succès public ou critique, Alves a davantage été surpris par le «phénomène social» autour de son film: «La cage dorée a attiré des spectateurs (des travailleuses immigrantes, des personnes âgées...) qui ne vont jamais au cinéma. J'ai reçu (et je reçois encore) plusieurs témoignages bouleversants, des lettres de trois pages très touchantes et écrites par des gens ordinaires qui se sont reconnus dans le film.»

La cage dorée est une comédie qui parle d'un sujet sérieux: le déracinement d'un couple de travailleurs émigrés portugais à Paris.

Maria (concierge d'un immeuble bourgeois) et son mari, José (maçon sur des chantiers), sont installés dans la Ville lumière et y ont élevé leurs deux enfants. À la mort de son frère - à qui il ne parle plus depuis près de 30 ans -, José apprend qu'il hérite d'une somme importante et d'un magnifique domaine, au milieu des vignobles, dans la vallée du Douro! Or, ce couple totalement dévoué à son travail, à sa famille et à tout le monde qui abuse de sa gentillesse réalise qu'il n'est pas si facile de changer de milieu et d'existence après une vie de sacrifice...

«J'ai voulu rendre à mes parents un peu de ce qu'ils m'ont donné depuis 33 ans, reconnaît le cinéaste qui leur dédie son film. Mes parents ont été bouleversés en le voyant. Ils savaient que je faisais un film, mais ils en ignoraient le vrai sujet.

«J'ai écrit une histoire largement inspirée de mon enfance. Mes parents font le même métier que les personnages. Mais le film n'est pas autobiographique, poursuit-il. Mes parents n'ont pas eu d'héritage familial, et ils n'ont pas de maison sur le bord du Douro.»

Coeur et ambition

C'est son producteur qui lui a donné l'idée d'écrire ce scénario. «Au départ, je voulais parler d'expatriés français vivant à Lisbonne. Il m'a dit: «Pourquoi ne fais-tu pas l'inverse: parler de Portugais immigrés à Paris?»", rapporte Ruben Alves.

Le cinéaste juge d'ailleurs important qu'un premier film soit personnel. Il s'est investi dans la réalisation de ce projet avec autant de coeur que d'ambition. Il a fait un casting très original, et surtout audacieux. «Je tenais à avoir des acteurs portugais peu connus en France (Rita Blanco et Joaquim de Almeida) pour occuper les premiers rôles.» Pour les personnages secondaires, Alves a aussi choisi de bonnes pointures peu utilisées au cinéma: Chantal Lauby, Roland Giraud, Nicole Croisille.

«Avec la mondialisation, en France, on passe par des moments de crise. Le pays est à fleur de peau, témoigne Alves. Toutefois, si le thème du film est d'actualité, je n'ai pas voulu porter un jugement sociopolitique. J'avais envie de faire une comédie sociale et divertissante.»

Faire un film plein de chaleur en période de morosité a sans doute contribué à son succès. «Ce n'est pas à la mode, la gentillesse et les bons sentiments, conclut Alves. Mais j'ai fait le pari de montrer ça! Tant mieux si ce film peut [nous] faire du bien.»

Le film prend l'affiche vendredi prochain.

Photo fournie par A-Z Fillms

Rita Blanco est une star au Portugal bien qu'elle soit peu connue en France. Mais je tenais à avoir des acteurs portugais dans mon film», dit le réalisateur Ruben Alves.