Sur l'affiche de L'amour dure trois ans, on peut lire qu'il s'agit du «meilleur film de Frédéric Beigbeder». Rien de moins. Ce clin d'oeil - c'est la seule réalisation de l'écrivain pour l'instant - a été lancé par l'ancien publicitaire lui-même, histoire de trouver une formule pour faire réagir.

«Je n'arrive pas à corriger ce défaut! concède l'auteur de 99 francs, de passage à Montréal ces jours-ci. J'ai toujours ce besoin de faire un peu de pub, même si j'ai laissé ce milieu il y a 12 ans. Les oeuvres doivent susciter des réactions. J'avais envie que l'affiche du film provoque quelque chose.»

L'amour dure trois ans est une comédie romantique inspirée d'un journal intime que Frédéric Beigbeder a écrit au lendemain d'un divorce il y a 15 ans. Le scénario s'attarde à décrire les contradictions d'un écrivain (Gaspard Proust). Le chroniqueur mondain, désespéré par la fin de son histoire conjugale, retrouve le goût de vivre en tombant follement amoureux d'une femme sublime (Louise Bourgoin), même si cette dernière vit déjà en couple avec un vague cousin.

Une contradiction

Pour son premier film, Frédéric Beigbeder s'aventure sur un territoire déjà très fréquenté, en ajoutant au récit une bonne dose de cynisme et d'autodérision.

«Je crois que je suis schizophrène, dit-il. Je suis à 50% très amoureux romantique, mais jusqu'à la mièvrerie la plus totale, et je suis aussi à 50% pessimiste, lucide, parfois nihiliste, aimant sortir, draguer, me saouler la gueule, bref, pas tout à fait le genre de type qui est capable de rester toute sa vie avec la même femme. Cette contradiction existe dans tout ce que j'écris. J'ai l'impression que beaucoup d'hommes de ma génération vivent cette contradiction aussi. C'est-à-dire que nous n'avons pas renoncé à l'amour, parce que si on renonce à l'amour, il vaut mieux se tuer tout de suite. Mais en même temps, nous savons que l'amour est impossible. Dans la société de consommation dans laquelle on vit, tout est organisé pour compliquer les choses.»

En écrivant L'amour dure trois ans, Frédéric Beigbeder a évidemment dû «subir les conséquences» de ce qu'il a affirmé jusque dans sa vie intime. Il est en effet bien difficile de tenter de créer des liens sentimentaux durables quand une date de péremption est déjà indiquée d'avance.

«Le livre était très pessimiste, mais le récit de la publication du livre a été ajouté au scénario, explique-t-il. Dans le film, c'en est même devenu l'argument central. Un jeune écrivain publie un livre qui s'appelle L'amour dure trois ans et ça lui cause des problèmes dans sa vie personnelle. Cela m'est arrivé bien sûr. C'est amusant au début, mais ça devient un peu fatigant quand on me ressort cet argument encore 15 ans plus tard. Je trouvais marrant de me venger un peu!»

Se rendre à l'évidence

En passant derrière la caméra, Frédéric Beigbeder, qui anime toujours à la télé française une émission de cinéma (Le cercle est présentée sur la chaîne spécialisée Canal + cinéma), se retrouve également dans une position qu'il a lui-même beaucoup critiquée.

«J'ai très souvent dit que les écrivains réalisant des films étaient des imposteurs, des usurpateurs, rappelle-t-il. J'ai pourtant moi-même fini par céder à la tentation. Au départ, j'ai offert le scénario à différents réalisateurs, des réalisatrices surtout. Je croyais que ce serait bien qu'une femme réalise ce film très misogyne. Mais Maïwenn, Lisa Azuelos et Valérie Donzelli m'ont toutes demandé pourquoi je ne voulais pas réaliser ce long métrage moi-même. J'ai dû me rendre à l'évidence!»

Étant un personnage déjà très médiatisé, Frédéric Beigbeder a par ailleurs pris plaisir à jouer avec son image dans le film.

«Le personnage public déteint forcément sur le regard qu'un spectateur ou un lecteur porte sur une oeuvre que je lui propose. Je me suis amusé avec cela en fait. Puisque j'ai déjà cette image auprès du public, aussi bien en jouer. Dans le personnage de Marc Marronnier, qu'interprète Gaspard Proust, j'ai grossi tous les traits et j'ai exagéré tout ce que les gens imaginent de ma vie privée. Cela dit, j'en ai profité pour montrer aussi d'autres aspects, notamment en exposant le travail d'écriture, et en visitant aussi les coulisses du milieu littéraire parisien. Je me suis beaucoup amusé à m'en moquer!»

Frédéric Beigbeder s'attelle maintenant à l'écriture d'un nouveau roman, mais il est clair qu'un autre projet de cinéma devrait se pointer prochainement à l'horizon.

«Ce sera mon autre meilleur film», conclut-il.

L'amour dure trois ans prend l'affiche le 12 octobre.