Entre l'espoir et l'ennui, deux sentiments vécus quotidiennement par les marins néerlandais et philippins du cargo Marietje Andrea, il y a une quête, pas toujours assouvie, de liberté, le besoin d'améliorer ses conditions de vie et une force unificatrice omniprésente. C'est ce qui se dégage du film Les terres lointaines, premier long métrage documentaire de Félix Lamarche qui a valu au cinéaste de 28 ans le prix Pierre-et-Yolande-Perrault aux derniers Rendez-vous du cinéma québécois. Discussion.

Comment ce sujet s'est-il imposé ?

À la fin de l'université, j'ai tourné un court métrage, Des hommes à la mer, consacré aux marins qui débarquent à Montréal pour y passer une soirée. La plupart du temps, ils vont à la Maison des marins dans le Vieux-Port. J'y ai fait du bénévolat pour prendre le pouls de la place, j'y ai tourné mon court métrage et me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup d'histoires à raconter. Ces gens-là ont une importance invisible dans nos vies. Car le transport en mer constitue l'engrenage premier du commerce international. En plus, je voulais démythifier l'image romancée de la vie de marins que plusieurs personnes peuvent avoir.

Ce qui nous surprend est de voir tous ces jeunes à bord. Qu'en est-il ?

La majorité de l'équipage était dans la mi-trentaine ou moins. Il y avait deux réalités : celle des Philippins et celle des Hollandais. Les jeunes Néerlandais ont espoir de monter rapidement les échelons et de devenir capitaines. Ils essaient de voir ce que la vie de marin peut leur apporter. D'un autre côté, vous avez les Philippins qui, eux, espèrent améliorer leurs conditions de vie. C'est la même chose pour ceux venant de pays moins favorisés. On voit donc deux rêves différents qui habitent cette jeunesse.

Est-ce que ces jeunes marins s'ennuient ?

Oui [rires]. Il y en a peut-être moins qu'avant parce que les trajets sont moins longs, les navires vont plus vite et il y a plus de moyens de communication [internet, télé satellite] mis à leur disposition. Mais cet ennui est toujours présent : lorsqu'on est en mer et qu'on ne travaille pas, il ne se passe pas grand-chose. Le temps est différent, les perspectives sont différentes, notre situation dans l'environnement est différente. Il y a, oui, beaucoup de temps morts.

Qu'est-ce qui les unit ?

Ils sont unis dans l'expérience de cette vie. Contrairement à ce qui se passe sur d'autres navires, tous les membres de l'équipage [huit hommes] mangent ensemble. De vivre l'éloignement, la solitude ensemble est pour eux fédérateur. Au final, ils forment une petite communauté, un microcosme avec des liens assez forts.

Quel sera votre prochain projet ?

Je suis en train de terminer un court métrage qui se passe encore en mer [rires]. C'est un film que j'ai tourné il y a deux ans avec des scientifiques dans le golfe du Saint-Laurent. Mon approche sera plus expérimentale, plus conceptuelle. J'y fais part de ma réflexion sur notre rapport à la mer, sur le fait qu'elle peut constituer pour nous une frontière.

Les terres lointaines prend l'affiche (Cinémathèque québécoise, Le clap) le 24 mars.

Photo fournie par Les Films du 3 mars

Photo fournie par Les Films du 3 mars