Quarante ans après la chute de Saigon et l'exil de 2 millions de Vietnamiens face à l'instauration du régime communiste d'Hô Chi Minh, la Québécoise Thi Be Nguyen replonge dans ce passé douloureux qui a aussi frappé sa famille.

De concert avec la réalisatrice et productrice Marie-Hélène Panisset, Mme Nguyen est allée à la rencontre d'immigrants vietnamiens, les « boat people », et de leurs descendants, question de ressasser leurs souvenirs, mais aussi d'explorer les années qui ont suivi leur installation au Québec.

Le fruit de leur travail, le documentaire Une nuit sans lune - Boat people, 40 ans après, évoque le côté sombre comme le côté éclairé de ces exils.

Une orange

Marie-Hélène Panisset ressentait-elle une grande responsabilité à réaliser ce film ? « Oui, dans la mesure où je connaissais à peine le sujet, dit-elle. C'est pour cela que je voulais que la vérité historique soit portée par les personnes interviewées et non par moi. Ça donnait beaucoup plus d'humanité aux histoires. Comme celle de ce jeune homme qui raconte avoir mangé une orange après trois jours sans se nourrir sur une embarcation. Cette histoire d'orange prend alors toute sa saveur ! »

Une base militaire

Née au Laos, Thi Be Nguyen n'avait que 4 ans à son arrivée au Québec. Comme quelque 60 000 immigrants réfugiés, elle a transité par la base des Forces armées canadiennes de Longue-Pointe. Or, quand elle est retournée sur les lieux, des souvenirs ont surgi. « Cela a eu un effet thérapeutique, dit-elle. Les gens de la base ont retrouvé pour nous le major Jacques Coiteux qui, à l'époque, gérait la logistique de l'accueil des réfugiés. Il nous a raconté toutes les étapes de son travail et certains détails sont remontés à la surface. »

Un bracelet

Une bonne douzaine de personnes ont été interviewées pour ce documentaire. Parmi elles, l'auteure Kim Thúy. Cette dernière raconte avec détails comment sa mère avait fabriqué un bracelet de fortune pour cacher des diamants, unique fortune emportée par la famille. L'écrivaine n'est pas le personnage phare du film. Elle partage plutôt l'écran sur un pied d'égalité avec les autres personnes interviewées. « On a voulu raconter des histoires de réussite, que ce soit à travers Kim Thúy ou des gens plus anonymes », dit Marie-Hélène Panisset.

Une, deux, trois générations

Les histoires racontées ici sont heureuses. Norme ou exception ? « Deux millions de personnes ont fui le Viêtnam, 250 000 ont péri en mer et des centaines de milliers d'autres, dans les camps de réfugiés (Laos, Cambodge, Thaïlande, etc.), dit Mme Nguyen. Celles qui sont arrivées au Québec et qui étaient conscientes de ce qui se passait, comme mes parents, je ne crois pas qu'elles ont des souvenirs très heureux. Encore aujourd'hui, dans la communauté, plusieurs ont de la difficulté à en parler. Par contre, ce qui est heureux, c'est la résultante pour ma génération et celle de mes enfants. » « Ils sont parfaitement intégrés », note Mme Panisset. « Oui, dit Mme Nguyen. Et c'est aussi pour ça que j'ai fait ce film. Pour dire à mes parents : "Voyez ce qu'en vous sacrifiant, vous nous avez donné." »

Une réalité

Même s'il porte sur des événements vieux de 40 ans, Une nuit sans lune est un film pleinement ancré dans l'actualité. Les questions d'immigration restent aujourd'hui une douloureuse réalité. « L'idée derrière le film est de sensibiliser, non seulement notre communauté, mais la société en général, sur les enjeux de l'immigration », dit Mme Nguyen. « Un film comme ça est nécessaire pour rappeler les gens à leur humanité et les inciter à tendre la main à l'autre », conclut Mme Panisset.

La première du film Une nuit sans lune: Boat people, 40 ans après a lieu ce soir, 19h, au Cinéma du Parc, en présence de Marie-Hélène Panisset, Thi Be Nguyen et Kim Thúy.

Photo UniAction

Film : Une nuit sans lune. Avec Kim Thúy. Crédit : UniAction.