Ricardo Trogi est-il le champion cinéaste des tranches d'âge? Car à ce chapitre, son parcours est éloquent.

Si 1981 évoque le passage de l'enfance à l'adolescence, 1987 s'intéresse à l'entrée dans la vie adulte. Et si Québec-Montréal s'attarde à la fin de la vingtaine, Horloge biologique plonge dans le début de la trentaine.

Et voilà qu'atterrit sur sa table de travail Le mirage, un scénario de Louis Morissette et François Avard traitant d'un couple au début de la quarantaine. En plein dans ses cordes?

À la question, Trogi répond que non. «C'est un hasard. Ce que je fais est toujours instinctif.»

Après une pause, il nuance. «Je ne me suis jamais posé cette question jusqu'à récemment, où je me suis dit que j'avais l'impression d'avoir fait un tour d'horloge, dit le cinéaste de 45 ans. D'ailleurs, mon film Québec-Montréal commence là où va finir mon projet de film 1991 (la suite de 1987, en développement), qui porte sur le début de ma vingtaine. Je pense avoir fait le tour de ce qui pouvait me concerner en tant qu'être humain!»

Près de lui

S'il a accepté de tourner Le mirage, ce n'est pas parce qu'on lui offrait d'explorer une nouvelle tranche d'âge, mais davantage parce qu'il s'est spontanément reconnu dans le texte.

«Lorsque j'ai lu le scénario, j'ai constaté que c'était ce dans quoi je suis maintenant, raconte le réalisateur avec une franchise désarmante. La situation du personnage ressemble à ce que j'ai vécu dernièrement. Dès la première page, je me suis dit: «Ah, tiens! Ça ressemble au quotidien que j'ai, cette espèce de roue avec enfant, maison en banlieue, du temps difficile à trouver pour écrire, la consommation, la surconsommation.» J'ai forcément reconnu plein d'éléments de ma vie ou celle de mes voisins.»

Le fait de se sentir proche du personnage central de Patrick (Morissette) ne rend pas le travail plus facile. Au contraire, M. Trogi estime qu'il lui a fallu exercer une vigilance de tous les instants afin de s'assurer que ce personnage ne soit pas démonisé par les spectateurs.

«Il fallait toujours doser. Faire attention à certains petits détails pour qu'on reste avec ce gars-là et qu'on assume ce qu'il fait. S'il devenait plus antipathique, il y avait un risque de le perdre.»

C'est pour cette raison qu'au montage, l'équipe a retiré une scène de quelques minutes dans laquelle Patrick allait encore plus loin dans son exploration sexuelle hors mariage. «Ça le rendait pas drôle du tout», explique le réalisateur.

C'est grâce à leur agent commun, Maxime Vanasse, que Trogi et Morissette travaillent pour la première fois ensemble.

«Ricardo est un sociologue, lance Morissette. C'est un bon observateur des sociétés dans lesquelles on évolue. J'avais envie de travailler avec lui et je l'ai rapidement senti en contrôle. Il comprenait ce que je voulais faire. Et lorsqu'il me suggérait des changements, je ne l'obstinais pas longtemps. Je savais que notre destination était commune.»