Le deuxième long métrage documentaire de Laura Bari, Ariel, prend l'affiche aujourd'hui. Un documentaire, mais pas tout à fait, d'une cinéaste, mais plus encore.

Laura Bari est une sorcière. Dans une grande marmite, elle mélange des morceaux du réel avec des soupçons d'imaginaire et un cheveu de son abondante tignasse. Son film Ariel est sa plus récente potion magique. Magique parce que plutôt unique en son genre.

La cinéaste montréalaise d'origine argentine rejette toute catégorisation au sujet de cette «docufiction» où la réalité semble très réelle, mais où la fiction en dit encore plus sur la réalité.

«Il y a des films et il y a des reportages. Ça me plaît d'élargir la frontière entre réel et imaginaire. Qu'on s'y sente confortable. Que ce ne soit pas un signe de folie ou de fresque. C'est nécessaire pour équilibrer l'activité affective», explique cette enseignante au cégep qui a étudié en psychologie.

Son film est un univers qui se suffit à lui-même, éminemment subjectif et extrêmement généreux.

Elle y suit pendant 10 ans un homme qui veut marcher à nouveau après un accident du travail qui lui a coûté ses deux jambes. Un «personnage» admirable et détestable à la fois, qui réussit sa réadaptation au prix de nombreuses défaites.

«Ariel est fucking seul! lance-t-elle. Il est seul, seul, seul. L'est-il en raison de son handicap, de la discrimination, des obstacles de la société? Ou est-ce parce qu'il a toujours été seul? Je pense qu'il a toujours été seul.»

Imaginaire

C'est là que le réel devient réalisme magique, voire onirisme total dans le traitement filmique. Elle a donc amené cet homme seul, avec les «bibittes» vivant dans sa tête, dans le désert pour le filmer. Laura Bari voit toujours plus loin que le nez de ses interlocuteurs, de ses sujets.

«Je filme des choses cruelles dans la plus grande beauté possible afin de sortir de ce qui est cruel. C'est ça le défi. Comment rendre visible ce qui est invisible, c'est-à-dire l'univers affectif de la personne? Entre l'intelligence émotionnelle et l'intelligence cognitive, il n'y a qu'un lien: l'imaginaire. C'est de la mise en situation créatrice que je fais», explique-t-elle.

On imagine qu'il ne lui est pas facile d'obtenir du financement auprès des organismes subventionneurs avec des scénarios de film où tout reste à construire, même avec le réel.

«Pas touche au malheur, répond-elle. Ce n'est pas évident parce qu'on ne peut pas compter toutes les heures qu'on y a mises. Mais on est arrivé, avec l'ONF, à trouver des solutions constructives pour garder l'idée d'un cinéma d'auteur.»

Ariel est son deuxième film, après Antoine, un documentaire aussi bariolé de rêve au sujet d'un enfant aveugle dont l'imaginaire est luxuriant. La cinéaste autodidacte avait déjà signé également des capsules télévisuelles pour l'émission Cornemuse de Télé-Québec.

Des projets en tête

En plus d'avoir deux enfants elle-même, d'enseigner, elle travaille toujours sur deux ou trois projets en même temps. «J'aime l'être humain, dit-elle. J'ai décidé d'oeuvrer sur quelques piliers: les arts, l'éducation et la santé mentale. C'est ma façon d'avancer, de comprendre et d'être un agent de transformation.»

Dans ses gestes amples et le déversement de 60 idées à la minute, Laura Bari fait aussi penser à une grande enfant. Depuis l'âge de 5 ans, elle dit voir et imaginer des histoires. Prête pour la fiction-fiction donc?

«Quand je trouverai quelque chose d'impossible à raconter avec des éléments du réel, peut-être. Pour l'instant, je travaille [sur un projet qui raconte] l'histoire d'une jeune fille crocodile...», fait-elle avec un sourire énigmatique.

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Ariel prend l'affiche aujourd'hui à Excentris.