En décernant six trophées à La passion d'Augustine, dont ceux du meilleur film et de la meilleure réalisation, les membres votants se sont clairement prononcés pour un cinéma populaire de qualité. Et accessible.

Il était temps. Malgré une filmographie très riche, dans laquelle on compte quelques films phares (La femme de l'hôtel, Anne Trister, Emporte-moi), réalisés au fil d'une carrière amorcée il y a 35 ans, Léa Pool n'avait jamais eu l'honneur de recevoir une distinction personnelle avant hier soir. Ni aux Génie (maintenant les Écrans canadiens) ni dans l'histoire de ce qu'on nomme provisoirement le Gala du cinéma québécois.

«En 18 ans d'histoire, c'est la première fois que le prix du meilleur long métrage est remis à un film réalisé par une femme!», a déclaré Lyse Lafontaine, productrice de La passion d'Augustine.

Les anges semblent s'être penchés avec bienveillance sur La passion d'Augustine. En plus de constituer pour la cinéaste l'un de ses plus grands succès publics (près de 225 000 entrées), ce film, campé à l'époque de la Révolution tranquille, a raflé hier pas moins de six trophées, dont les deux plus importants (meilleur film et meilleure réalisation).

Céline Bonnier a été sacrée meilleure actrice grâce à son rôle de soeur Augustine, une religieuse qui, au moment de l'instauration du système d'éducation public, tente de sauver la vocation musicale du couvent qu'elle dirige. Diane Lavallée, remarquable dans la peau d'une religieuse très à cheval sur les principes et la tradition, a été de son côté honorée dans la catégorie actrice de soutien. Le film s'est aussi distingué grâce à ses costumes (Michèle Hamel) et à ses coiffures (Martin Lapointe, en lice quatre fois dans la même catégorie!).

Fierté et reconnaissance

Un peu pressée dans ses remerciements, la cinéaste a tenu à remercier ses collaborateurs, mais aussi le public. «C'est important, car ça ne m'est pas arrivé si souvent!»

De son côté, Céline Bonnier, rentrée de France hier, a fait un vibrant plaidoyer. «Je suis fière de notre cinéma et de la façon dont il se bat, a-t-elle lancé. J'encouragerais nos gouvernements à aimer notre culture et à continuer à nous aider à en être fiers.»

À peine quatre ans après été consacré grâce à sa remarquable performance dans Le vendeur (Sébastien Pilote), Gilbert Sicotte a de nouveau été célébré. Sa bouleversante composition dans Paul à Québec lui a valu le prix du meilleur acteur, sauvant ainsi l'honneur d'un film qui aurait aussi pu être cité dans d'autres catégories.

«On a beau dire, c'est toujours extrêmement touchant, a-t-il déclaré. Ça fait beaucoup de bien. Faire un film, c'est toujours une vraie histoire de famille.»

Sept films primés

Puisque la domination du film de Léa Pool n'est pas de la même ampleur que celle de Mommy l'an dernier (ou de C.R.A.Z.Y. il y a 10 ans), d'autres longs métrages ont aussi eu l'occasion de se faire valoir.

En plus d'avoir été plébiscité dans la catégorie du film s'étant le plus illustré à l'extérieur de nos frontières, Félix & Meira, un film écrit par Alexandre Laferrière et Maxime Giroux, a obtenu le prix - très convoité - du meilleur scénario.

Guibord s'en va-t-en guerre a été récompensé dans trois des quatre catégories dans lesquelles il était en lice. En plus du trophée attribué au meilleur montage (Richard Comeau) et à la meilleure musique (Martin Léon), la comédie politique de Philippe Falardeau a valu à Irdens Exantus, dont c'était le premier rôle au cinéma, le prix du meilleur acteur de soutien.

Dans la catégorie de la direction artistique, François Séguin (Le violon rouge, Silk) est allé cueillir le troisième trophée de sa carrière grâce à Brooklyn, cette coproduction irlando-québécoise, sélectionnée aux Oscars le mois dernier. Le film de John Crowley a aussi valu à Yves Bélanger, qui travaille étroitement avec Jean-Marc Vallée, sa toute première consécration québécoise dans la catégorie de la direction photo.

En plus du Billet d'or, remis au film québécois ayant enregistré le plus grand nombre d'entrées dans les salles, La guerre des tuques 3D, version animée du film classique d'André Melançon, a pu s'inscrire au tableau d'honneur dans la catégorie du meilleur son. Le film de genre Turbo Kid s'est par ailleurs distingué grâce à ses maquillages.

Corbo a été complètement blanchi, tout comme Les êtres chers. Le film de Mathieu Denis a pourtant été cité 10 fois, celui d'Anne Émond, sept fois. De façon plus prévisible, le film de Philippe Lesage Les démons, récent prix Luc Perreault - AQCC (remis par la critique québécoise), n'a pu transformer en lauriers ni l'une ni l'autre de ses deux citations.

D'autres prix

Le prix du meilleur documentaire a par ailleurs été remis à Ouïghours, prisonniers de l'absurde. Ainsi, le film de Patricio Henríquez s'est détaché dans une catégorie où l'on comptait de solides candidats, notamment Le profil Amina (Sophie Deraspe). Le cinéaste a été ovationné en dénonçant le discours de Marine Le Pen, de passage en ce moment au Québec. «La culture du Québec n'a pas besoin de ce type de défense», a-t-il déclaré.

François Jaros, déjà lauréat l'an dernier grâce à Toutes des connes, a réédité l'exploit. Son plus récent film, intitulé Maurice, a été sacré meilleur court ou moyen métrage. Le trophée du meilleur court ou moyen métrage d'animation a été attribué à Autos portraits, une réalisation de Claude Cloutier.

Rappelons que les résultats dans ces trois dernières catégories, contrairement aux autres, sont déterminés par des jurys distincts.