Arielle Holmes faisait sans doute partie de ces êtres de lumière dotés d'un talent certain, mais disloqués par une épouvantable vie de galère.

Heureusement, les choses ont changé. 

Il y a deux ans, sa route de toxicomane sans-abri dans les rues de New York a croisé celle des frères Josh et Ben Safdie, en plein coeur de Manhattan. En plein repérage pour un autre projet de film, les deux cinéastes ont tout de suite été captivés par la beauté sauvage, le talent et la vie hallucinante de cette jeune fille perdue. Ils lui ont proposé d'écrire son histoire.

Intitulé Mad Love in New York City, le récit, écrit sur des ordinateurs dans des magasins Apple de la Grosse Pomme, est devenu le scénario de Heaven Knows What dans lequel Arielle personnifie Harley, son alter ego.

Entre fiction et documentaire

Voilà pour le côté conte de fées de l'histoire. Le reste est toutefois une épouvantable descente aux enfers que les deux cinéastes ont tournée avec des moyens très limités, chevauchant allègrement la ligne de démarcation entre fiction et documentaire.

L'histoire de Harley est filmée de façon frontale. Dépendant autant des drogues dures que de l'amour d'Ilya, un garçon lui aussi drogué, manipulateur, impulsif et violent, Harley est prête à tout pour suivre ce dernier dans ses délires.

Peut-on dire qu'il y a de l'amour dans ce film ? « Absolument », répond Josh Safdie au bout du fil.

« C'est un amour malsain, mais il est omniprésent. Harley vit d'un amour malsain pour l'héroïne, pour Ilya, etc. Ce concept de l'amour est partout dans le film. »

Lancé l'an dernier à la Mostra de Venise et présenté par la suite dans les festivals de Toronto (TIFF) et de New York, Heaven Knows What n'est pas un film sombre, soutient le coréalisateur. « Il reflète la vie, dit-il. Je vis moi-même avec des problèmes de santé mentale et je me sens parfaitement connecté aux gens de ce monde. »

Théâtre de rue

Dans son communiqué de presse annonçant les projections montréalaises, le Centre PHI fait un lien entre ce long métrage et l'oeuvre The Panic in Needle Park de Jerry Schatzberg. Dans sa critique du film, le New York Times parle quant à lui d'un « magnifique classique de théâtre de rue ».

On comprend facilement cette description en visionnant le film, dont plusieurs parties ont été filmées « à chaud » dans la rue. Les passants, un peu incrédules, se retournent ou bifurquent en marchant vers les comédiens durant les nombreuses scènes où ils se chamaillent, se querellent, s'engueulent pour un oui ou pour un non.

De plus, à l'exception de Caleb Landry Jones, qui incarne Ilya, les autres acteurs du film sont des non-professionnels que les frères Safdie ont recrutés dans l'entourage d'Arielle. Cette dernière crève l'écran.

« C'est elle qui est à la base du film, qui l'a inspiré. Dans sa façon de s'exprimer, de communiquer, elle était une vedette de cinéma dans la rue. » - Josh Safdie

« D'elle, j'aime sa résilience, sa beauté, son étrange point de vue sur l'amour. Lorsque nous l'avons rencontrée, elle agissait comme si chaque chose qu'elle était en train de faire se passait dans les derniers instants de sa vie. »

Aux dernières nouvelles, Arielle Holmes allait mieux. Elle était sobre et participait au tournage d'un deuxième film. Mais ce destin n'est pas le même que celui d'autres membres de son entourage. Selon le New York Times, le jeune homme de 25 ans qui a inspiré le personnage d'Ilya a été retrouvé mort dans Central Park en avril dernier.

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