Une précision apparaît d'abord à l'écran. On nous indique que la version de Nymphomaniac que nous nous apprêtons à voir est censurée et qu'elle a été produite avec l'accord de Lars von Trier, mais sans la participation de ce dernier.

Un plan noir. Rumeur urbaine glauque en fond sonore. Il pleut. Image d'une ruelle. Un corps de femme ensanglanté gît sur l'asphalte. La guitare sale de Rammstein se fait alors entendre, martelant les lourds accords de Führe mich.

Cette femme, Joe (Charlotte Gainsbourg), est recueillie par Seligman (Stellan Skarsgård), un célibataire endurci. Il lui offre de l'emmener chez lui, le temps de panser les blessures. Et d'avoir avec elle une longue conversation à travers laquelle la vie de Joe défilera en huit chapitres distincts, livrés en deux films de deux heures (le volume 1 fait 110 minutes; le volume 2 en fait 130).

Essentiellement constitué de retours en arrière, Nymphomaniac est l'illustration de la vie d'une femme sexuellement dépendante depuis son adolescence racontée à un homme sans libido, dont la vie sexuelle est réduite à néant.

Une revendication

Joe ne s'aime pas. Elle affirmera même être la pire personne du monde. Pour se décrire, elle revendique le mot «nymphomane» plutôt qu'«accro du sexe», terme habituellement employé dans les groupes de soutien. Elle affirme ne rien ressentir, surtout pas cet «idiot de sentiment amoureux». Depuis ce jour où, avec une amie, elle s'amusait à «séduire» le plus grand nombre de passagers dans un train à la faveur d'un concours que les deux gamines de 15 ans s'étaient organisé, Joe (Stacy Martin incarne le personnage dans ses plus jeunes années) n'a jamais regardé en arrière. D'où cette quête de sensations toujours plus fortes.

L'essai d'une vie de couple plus rangée avec Jerome (Shia LaBeouf), avec qui elle aura un enfant, ne calmera en rien ses ardeurs. Telle une Belle de jour (version plus hard!), Joe sera incapable de réfréner ses pulsions, quitte à parfois même mettre son propre fils en danger.

Le sexe, souvent explicite (de «vrais» acteurs pornos ont été embauchés en guise de doublures), est ici très triste. Et douloureux.

Une conversation philosophique

Depuis des mois, toute la campagne de promotion mise évidemment sur l'aspect plus sulfureux de cette histoire. La bande-annonce, provocante à souhait, regroupe quelques-unes des scènes les plus évocatrices à cet égard. Il convient toutefois de préciser que le récit de Nymphomaniac tourne principalement autour d'une conversation à caractère philosophique entre une femme souffrant de sa condition et un homme qui semble s'être accroché à certains principes pour ne pas sombrer dans le vide absolu.

D'un côté comme de l'autre, il s'agit d'une vision désespérée, très en phase avec l'esprit qui anime les films du réalisateur d'Antichrist depuis plusieurs années. D'autant que ce dernier nous réserve un dénouement «à la von Trier», c'est-à-dire aussi surprenant que choquant.

N'empêche qu'il est quand même frustrant de voir une oeuvre dont on sait qu'elle n'est pas tout à fait à l'image de celle que souhaite l'auteur. Au cours d'une entrevue, Charlotte Gainsbourg, qui a pu voir la version abrégée et la version longue, a déclaré être déçue de la décision des producteurs, «même si, dans la version plus courte, la substance du film est quand même là».

La version «abrégée» de Nymphomaniac prenant l'affiche au mois de mars au Québec, nous aurons évidemment l'occasion d'y revenir. Outre Charlotte Gainsbourg, Stacy Martin, Stellan Skarsgård et Shia LaBeouf, qui incarnent les personnages principaux, le film compte aussi sur des participations d'Uma Thurman, Jamie Bell, Christian Slater, Willem Dafoe, Jean-Marc Barr et Udo Kier.

Les frais de transport ont été payés par Métropole Films.