Les tribulations de l'Explorer au sein de la galaxie Ford ne manquent pas. Après avoir régné sans partage sur la catégorie, ce camion déjante dans l'affaire Firestone où plusieurs dizaines d'occupants ont trouvé la mort aux États-Unis (1). Suit un autre coup du destin: le passage graduel des acheteurs vers une autre forme de véhicules de loisirs, les multisegments. Une catégorie combinant les meilleurs attributs d'un camion et d'une automobile.

Il s'agissait visiblement d'une transition difficile pour Ford, si on calcule le temps qu'il a mis pour moderniser son offre. À sa décharge, rappelons que le renouvellement d'un modèle emblématique pose toujours problème à son constructeur. Il consiste essentiellement à ne pas choquer la clientèle traditionnelle tout en innovant suffisamment pour conquérir de nouveaux acheteurs. Un équilibre parfois difficile à atteindre.

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Pour dissiper les inquiétudes des fidèles, Ford s'empresse de rappeler que cette refonte amenuise peu ou pas les qualités intrinsèques de la mouture précédente: ses prouesses en tout-terrain et sa capacité de remorquage. Voilà de quoi surprendre dans la mesure où l'Explorer adopte un châssis monocoque - par définition moins robuste que celui autrefois utilisé - à roues avant motrices. En voilà, une - autre - surprise. De propulsion (roues arrière motrices), l'Explorer devient ainsi une traction. Bien entendu, à cette configuration inusitée inscrite au catalogue s'ajoute un autre mode, à quatre roues motrices celui-là. Pour rouler sur des terrains parfois impraticables ou encore pour se sortir de positions inimaginables, l'Explorer n'a plus recours à la traditionnelle boîte de transfert délivrant des rapports très courts au moment des manoeuvres de franchissement. Ford reconnaît que plusieurs propriétaires d'Explorer ne savaient même pas à quoi elle servait...

Par contre, tous seront en mesure de comprendre les pictogrammes disposés sur le bouton rotatif situé au pied de la console centrale. Ce système offre le choix entre quatre modes: conduite normale, terrain glissant (herbe, gravillons), tout-terrain (boue, ornières, sable et rocaille) et neige. Le bouton au milieu? Il active le contrôle d'adhérence en descente. Celui-ci agit sur l'ABS pour empêcher le véhicule de s'emballer en le maintenant à une vitesse constante. Peu pratique et d'une utilité incertaine à moins de s'attaquer à une pente particulièrement abrupte, cet équipement est un parfait équipement prétexte. Sa fonction consiste surtout à créer un repère, une ambiance, un signe bien palpable d'appartenance à l'univers 4x4 pour un véhicule dont on sait pertinemment qu'il ne sera qu'exceptionnellement utilisé en tout-terrain.

 

Plus robuste?

Dans le même esprit, Ford a donné à l'Explorer une impression visuelle de solidité grâce à une carrure forte. Sa face avant est aussi ornée d'une calandre immense. Tout cela alourdit volontairement l'ensemble et contribue à donner à ce «faux» camion un petit côté aventureux, plus propice au fantasme que l'ordinaire des berlines moyennes. D'autant plus que cet Explorer repose justement sur une plateforme automobile...

Voilà donc le second volet de cette séduction qui vise cette fois à convaincre les incrédules. Ceux-là mêmes qui n'ont jamais pensé monter à bord d'un Explorer.

Le constructeur américain tente par là de faire oublier le comportement balourd des anciennes générations en soulignant à gros traits l'usage de l'architecture D4 que l'on trouve aussi sous les berlines Taurus (Ford) et MKS (Lincoln). Quant à la consommation, autre plaie - toujours - associée à ce type de véhicule, le moteur V8 qui propulsait jadis l'Explorer est interdit de séjour. Tout comme le six-cylindres 4 litres. Désormais, seul un V6 3,5 litres assoit son bloc sur le siège moteur. Un quatre-cylindres 2 litres suralimenté par turbocompresseur, issu de la famille EcoBoost, se joindra au catalogue en cours d'année, mais seulement à bord des versions à roues avant motrices. Dommage!

En dépit de toutes ces transformations, le nouvel Explorer est presque aussi lourd que son prédécesseur. Pour s'en excuser, ses concepteurs indiquent toutefois que sa structure est plus rigide et plus résistante en cas d'impact.

Les accessoires

Cet utilitaire comporte une kyrielle d'accessoires de sécurité dont une ceinture de sécurité gonflable, une première dans l'industrie. Installée sur la banquette médiane, celle-ci a été conçue dans le but de réduire les risques de blessures à la cage thoracique.

À cela s'ajoute une autre innovation: Curve Control. Ce dispositif électronique réduit automatiquement le couple moteur s'il détecte que l'automobiliste s'engage trop rapidement dans un virage serré. Voilà un pas de plus vers la conduite assistée, diront les amateurs de conduite. Le débrancher? Impossible...

Conséquence de tous ces ajouts? L'Explorer se conduit tout seul. Enfin presque. Solidement campé sur d'énormes pneus de 20 pouces (des 18 pouces sont offerts sur les modèles d'entrée), l'Explorer affiche une stabilité directionnelle rassurante. Cependant, dès que la route se met à dessiner des virages, la direction à assistance électrique offre un toucher de route artificiel et une faible indication des conditions d'adhérence. Autre impair: le diamètre de braquage, trop grand, rend les manoeuvres de stationnement pénibles dans les stationnements. Vive les grands espaces!

 

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Personne ne pleurera l'absence des moteurs autrefois associés à ce véhicule. Le V6 3,5 litres s'avère suffisamment puissant pour accomplir la tâche qui lui incombe.

Tout pour le confort

Sans l'ombre d'un doute, le confort est le grand bénéficiaire de cette refonte. Les éléments suspenseurs permettent dorénavant aux pneus de faire meilleur contact avec la chaussée tout en limitant les mouvements de caisse. À titre de comparaison, l'Explorer lisse la chaussée à la manière d'un GMC Acadia ou d'un Toyota Highlander plus qu'un Honda Pilot ou encore un Jeep Grand Cherokee.

Sur le plan mécanique, personne ne pleurera l'absence des moteurs autrefois associés à ce véhicule. Le V6 3,5 litres s'avère suffisamment puissant pour accomplir la tâche qui lui incombe. Une part du mérite revient aussi à la boîte automatique à six rapports, dont le rendement est sans histoire. On regrettera seulement que la sélection manuelle des vitesses soit réservée aux modèles plus coûteux - XLT et Limited. Cela dit, la consommation demeure un brin décevante et on s'explique mal que les motoristes américains n'aient pas songé à faire plus d'efforts pour réduire la consommation (et le poids d'ensemble du véhicule) en dotant ce véhicule de technologies telles qu'un dispositif de désactivation des cylindres ou encore d'un système d'arrêt automatique (Stop&Start), lequel se généralise sur les moteurs à essence.

Beauté électronique

Si, comme moi, l'électronique vous donne de l'urticaire, sans doute hausserez-vous les épaules en découvrant le MyFord Touch, dispositif interactif sur le point de dégarnir le tableau de bord de tous ses boutons. Rangez vos préjugés au vestiaire. Avec ce système constitué d'un écran plat - également offert sur d'autres produits de la marque -, il est possible par exemple de synchroniser votre téléphone portable ou encore de régler la vitesse de la soufflerie de la climatisation grâce à des touches ou par la voix. Voilà une belle invention.

Ce système vous fera sans doute oublier que l'Explorer offre deux configurations de sièges, selon que vous voyagez à six ou sept personnes. Si les places dans la rangée médiane s'avèrent confortables, difficile d'en dire autant des sièges ancrés dans le fond du cockpit tant ils sont étroits et faiblement rembourrés. Précision utile: les autres véhicules de ce segment ne font guère mieux dans ce domaine.

Ford n'aura sans doute aucun mal à convaincre sa clientèle que son nouvel Explorer vaut mieux que l'ancien. Plus moderne, plus sûr, plus avancé technologiquement, cet utilitaire aura cependant plus de difficulté à s'imposer dans un créneau où toutes les positions sur l'échiquier sont solidement défendues.

Qu'apporte-t-il de plus? Pas grand-chose, si ce n'est un nom qui, dans l'esprit de plusieurs consommateurs d'ici, traîne une réputation aujourd'hui injustifiée. Voilà sans doute son plus grand défi.

Les frais de transport et de déplacement de ce reportage ont été payés en partie par Ford.

(1) Les accidents de Ford Explorer, attribués à un défaut présumé de construction des pneus Firestone ou du véhicule, ont tué plus de 200 personnes aux États-Unis. Les procureurs généraux des 53 États fédérés et territoires américains ont reproché à Ford de ne pas avoir dit à ses clients que certains pneus Firestone, dont étaient équipés une partie des 4X4, mettaient en danger la sécurité et entraînaient un risque accru de retournement. Ford a conclu des ententes à l'amiable avec les États et les plaignants.

CE QU'IL FAUT RETENIR

> Fourchette de prix: 31 549$ à 45 749$

> Frais de transport et préparation: 1450$

> Versions offertes: Base, XLT et Limited

> Garantie de base: 36 mois / 60 000 km

> Consommation obtenue dans le cadre de l'essai: 11,7 L/100 km

> Pour en savoir plus: www.ford.ca

SURVOL TECHNIQUE

> Moteur: V6 DACT 3,5 litres

> Puissance: 290 ch à 6 500 tr/min

> Couple: 255 lb-pi à 4 000 tr/min

> Poids: 2130 kg

> Rapport poids-puissance: 7,34 kg/ch

> Mode: traction (roues avant motrices) ou intégral (quatre roues motrices)

> Transmission de série: automatique6rapports

> Transmission optionnelle: aucune

> Direction / diamètre de braquage: crémaillère / 12,03 mètres

> Freins: disque / disque

> Pneus: 245/60R18 (XLT)

> Capacité du réservoir / essence recommandée: 70 litres / ordinaire

> Capacité de remorquage maximale: 2268 kg

NOUS AIMONS

La sécurité tant active que passive

L'évolution tardive mais logique

MyFord Touch: Génial

NOUS AIMONS MOINS

La difficulté à le garer

Version 4-cylindres à 2 roues motrices

Troisième banquette étriquée

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Avec le MyFord Touch, il est possible par exemple de synchroniser votre téléphone portable ou encore de régler la vitesse de la soufflerie de la climatisation grâce à l'écran tactile ou par la voix. Voilà une belle invention.