Le Ballet national d’Ukraine sera en tournée canadienne en janvier et février. Québec, Montréal, Toronto, Edmonton et Vancouver, entre autres, sont à l’horaire de la troupe. Nous nous sommes entretenus avec Natalia Matsak, danseuse étoile de la compagnie et chorégraphe du spectacle.

C’est par une froide matinée de novembre que nous communiquons – par Zoom – avec la danseuse et chorégraphe Natalia Matsak. Malgré la guerre entre l’Ukraine et la Russie, la jeune femme se trouve à Kyiv, comme les autres danseurs de la compagnie. C’est la première question que nous lui posons. N’avez-vous jamais songé à quitter votre pays ?

« Jamais, nous répond Natalia Matsak sans hésiter. C’est important pour nous de rester ici. C’est notre culture que nous défendons, nous dit l’artiste âgée de 41 ans. C’est très politique tout ça, bien sûr, mais c’est chez nous, même si c’est lourd à porter, même si c’est difficile… »

Natalia Matsak prend une pause. « C’est sûr qu’ici, on ne peut pas dormir normalement. Avec le bruit des sirènes, on ne sait jamais ce qui va nous tomber sur la tête, s’il y a un drone ou si on va manquer d’électricité. Nous sommes en guerre, c’est notre vie maintenant. Ce n’est pas normal, mais on s’adapte. »

Sa collègue Olga Kifyak, qui fait partie des 27 danseurs de la compagnie à prendre part à cette tournée, a perdu son père et son frère depuis le début de la guerre. Elle allume deux petits lampions dans sa loge avant chaque représentation. Elle n’est pas la seule. Chacun des membres de la troupe porte les traces de ce conflit qui s’étire depuis bientôt deux ans.

Natalia Matsak a une tante qui vit à Marioupol dans des conditions extrêmement difficiles. « On prend des nouvelles comme on peut, mais c’est dur, parce qu’elle ne peut pas partir. J’ai de la famille ailleurs en Ukraine également, il y a beaucoup d’incertitudes. »

PHOTO FOURNIE PAR LE BALLET NATIONAL D’UKRAINE

La danseuse et chorégraphe Natalia Matsak

En dansant, malgré la guerre, ça nous aide à penser à autre chose parce qu’on travaille tout le temps, mais on sent que c’est encore plus important pour le public, quand on danse ici, en Ukraine. Les gens ont besoin d’avoir un accès à la culture. Surtout en temps de guerre.

Natalia Matsak, danseuse et chorégraphe

D’ici au mois de janvier prochain, le Ballet national d’Ukraine de l’Opéra national Taras Shevchenko s’en ira en Italie et au Japon. La tournée canadienne suivra après les Fêtes. Mais entre chaque série de représentations, les danseurs rentrent à la maison, à Kyiv, auprès des leurs.

Pas de contacts avec les artistes russes

Première danseuse du Ballet national d’Ukraine, Natalia Matsak a été formée par des danseurs et chorégraphes ukrainiens, mais également russes. Elle a dansé dans les réputés théâtres Mariinsky ou Mikhailovski de Saint-Pétersbourg ou encore au Bolchoï de Moscou, et travaillé avec de nombreux artistes russes, comme Boris Eifman. A-t-elle gardé contact avec certains d’entre eux ?

Non. Il y a beaucoup de danseurs et de chorégraphes qui appuient cette guerre, donc ce n’est pas possible pour nous de leur parler. C’est un peu différent avec les artistes russes qui vivent en exil, mais avec ceux qui habitent en Russie, en tout cas avec la très grande majorité d’entre eux, c’est impossible d’avoir une connexion.

Natalia Matsak, danseuse et chorégraphe

Vous l’aurez deviné, cette tournée est éminemment politique. Elle fait même partie d’une campagne de financement nationale destinée à soutenir des organismes d’aide, dont la Fondation Olena-Zelenska, du nom de la femme du président ukrainien. Ces organismes viennent en aide à la population afin de fournir une aide médicale et humanitaire. L’objectif de la tournée canadienne est d’ailleurs d’amasser une somme de 5 millions.

PHOTO FOURNIE PAR LE BALLET NATIONAL D’UKRAINE

Le Tricorne, de Manuel de Falla, interprété par le Ballet national d’Ukraine

La troupe présentera dans un premier temps des extraits de danses ukrainiennes traditionnelles sur des musiques de compositeurs ukrainiens. « C’est un peu folklorique, mais on voulait intégrer ce volet-là dans notre spectacle parce que ça fait partie de notre culture », nous dit-elle. Puis, la compagnie présentera des extraits de trois ballets classiques : Le Corsaire, Giselle et Don Quichotte.

« C’est un programme de danse classique assez technique, avance Natalia Matsak, qui fait aussi partie de la distribution. C’est la première fois qu’on fait une aussi longue tournée au Canada, même si on est déjà venu trois fois avant, donc on veut montrer toute l’étendue du talent de nos danseurs à travers le programme qu’on a choisi. »

Les 15 et 16 janvier au Grand Théâtre de Québec. Du 17 au 19 janvier au Théâtre St-Denis de Montréal. Puis en tournée à Ottawa, Toronto, Winnipeg, Regina, Saskatoon, Vancouver, Edmonton et Calgary.

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