La chorégraphe Catherine Gaudet signe pour les interprètes d’expérience Louise Bédard et Sarah Williams Les mondes parallèles, un duo qui entrouvre une porte vers de nouveaux mondes.

Une création n’est jamais vraiment achevée avant le soir de la première, vous diront souvent les artistes de la scène. Et encore… La mettre en mots avant qu’elle soit mise au monde devient ainsi un exercice parfois ardu, constate Catherine Gaudet, rencontrée quelques jours avant la première de sa nouvelle offrande, Les mondes parallèles, un duo pour Louise Bédard et Sarah Williams.

Arriver en studio avec un plan, des choses à dire ? Catherine Gaudet préfère le chemin inverse, là où les mots sont parfois vains. « Je dis souvent que la dramaturgie part du corps ; elle ne vient jamais de l’extérieur. Cette danse, ce mouvement, part d’une intuition. Ce désir inconscient va donner la dramaturgie du spectacle, jamais explicable d’une façon très cohérente, car il y a beaucoup de couches, de niveaux de lecture. Mais je suis persuadée que c’est à l’intérieur de ce parcours-là qu’on trouve du sens. »

C’est cette même intuition qui a poussé l’interprète Sarah Williams, après avoir vu un solo que Catherine Gaudet avait créé pour Louise Bédard en 2018, à sonder la chorégraphe afin de travailler avec elle. « Je ne connaissais pas Catherine, mais j’avais vu son travail, dont ce solo que j’ai beaucoup aimé. J’ai donc demandé à Louise si ça lui disait qu’on danse ensemble et si elle croyait que Catherine voudrait créer pour nous », se remémore celle qui, depuis 30 ans, a dansé pour nombre de créateurs, dont Louise Bédard. L’idée a plu à tout le monde, et c’est ainsi qu’un long processus créatif s’est enclenché en 2020, quelque temps avant qu’une pandémie nous tombe sur la tête.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Catherine Gaudet, entourée de Louise Bédard et de Sarah Williams

« Il m’a semblé que Catherine m’a fait voir un côté de Louise que je n’avais jamais vu, qu’elle l’avait challengée. Ça me plaît. C’est épeurant, visiter de nouveaux endroits, mais ça me permet de continuer à grandir », ajoute Sarah Williams.

J’ai réagi avec beaucoup d’enthousiasme, et de peur aussi, c’est quand même intimidant. Je ne sais jamais ce que je vais créer avant d’entrer en studio. C’était une nouvelle rencontre et je ne savais vraiment pas ce qui allait émerger de ça.

Catherine Gaudet

D’une rencontre à l’autre, la pièce s’est bâtie, s’est transformée, a muté. Depuis trois mois, le travail est plus intensif, et ouvre vers de nouveaux territoires. « Au début, j’avais envie de voir Sarah et Louise sous un nouveau jour, dans une lumière qui me semblait liée à une forme d’inconscience, de laisser place à des souvenirs, réels ou imaginés. On est parties de cette idée-là… et après ça a vraiment changé ! », dit Catherine Gaudet en riant.

« Je suis habituée à travailler avec les mêmes personnes, poursuit-elle. Mes mécanismes, mes outils, je sais ce que ça va donner. Et sur Louise et Sarah, ça donnait complètement autre chose. À partir de ce moment-là, je ne peux pas décider où ça va aller. J’ai décidé de suivre ce courant-là. C’est une porte que j’entrouvre, un nouvel espace qui correspond beaucoup au rêve à mes yeux. »

« Géométrique et hypnotique »

Ceux qui ont vu les créations de Gaudet ont expérimenté dans leur chair l’état dans lequel elles peuvent nous plonger ; de répétitions en accumulations d’infinies variations, subtilement, mais certainement, on ne peut que s’y laisser happer. Travail sur le rythme, la pulsation, les parcours spatiaux ; ces motifs que Catherine Gaudet explore depuis quelque temps continuent de l’habiter, remarque-t-elle.

Dans ce cycle créatif – « un appel que je ne suis pas capable d’intellectualiser » –, la chorégraphe imagine des parcours spatiaux où le corps suit une rythmique très précise. « [Dans Les mondes parallèles], ces souvenirs, qui pour moi sont plus performatifs ou théâtraux, j’ai essayé de les inscrire dans un parcours où il y a une certaine forme de répétition, de constance, un courant qui ne s’arrête jamais, créant une base géométrique et hypnotique », explique la chorégraphe.

Ces interprètes d’une autre génération, très différentes l’une de l’autre, mais portant une richesse, des couches d’expérience dans leurs corps, mais aussi dans leur imaginaire, se retrouvent ainsi sur scène, traversant une multitude de territoires différents. « Elles sont connectées, comme dans un souterrain, mais elles sont vraiment deux mondes parallèles qui évoluent côte à côte. C’est la collision de ces mondes qui crée un troisième monde, et fait naître le sens. »

Du 17 au 20 mai à l’Agora de la danse

Consultez le site de l’Agora de la danse

Qui est Catherine Gaudet ?

  • Titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en danse de l’UQAM, la chorégraphe signe sa première chorégraphie en 2004. En 2019, elle fonde la Compagnie Catherine Gaudet.
  • Ses œuvres ont été présentées au Danemark, en France, aux États-Unis, entre autres, et dans de nombreux festivals, dont le FTA et la Biennale de Lyon.
  • Elle a signé à ce jour neuf œuvres longues, dont L’affadissement du merveilleux (2018), Se dissoudre (2021) et Les jolies choses (2022). En 2022, elle a remporté pour ces trois créations le Grand Prix de la danse de Montréal.