Duceppe transportera ses spectateurs en pleine politique israélo-palestinienne cet automne. La metteure en scène Édith Patenaude ouvre la saison avec un suspense politique à propos des accords historiques d'Oslo. Il y a 25 ans, la Norvège a joué les pacificateurs entre Israël et la Palestine. Voilà un autre sujet délicat qui met en scène une distribution diversifiée d'une douzaine de comédiens. La tête dans les nuages, mais les deux pieds sur terre, Édith Patenaude a répondu à nos questions.

Parler d'Israël et de Palestine au théâtre aujourd'hui, c'est risqué?

Plus on est conscient du conflit, plus on conçoit à quel point chaque événement historique et chaque réaction de la Palestine, d'Israël et de la communauté internationale ont de l'impact. On a l'impression qu'il faut être absolument limpide pour respecter le conflit et les souffrances des gens. Mais en réalité, ceci est une oeuvre théâtrale. Le spectacle nous donne suffisamment d'infos pour qu'on comprenne. L'auteur J.T. Rogers a évité le piège de longues et fines explications. C'est une histoire de réconciliation. C'est l'humain qui m'intéresse dans cette pièce, qui est moins sombre que mes derniers spectacles. On a des musiciens jazz sur scène.

On a eu au Québec un été rempli de débats autour du théâtre [Slāv et Kanata], est-ce que ça teinte le travail?

Arriver au bout de cet été avec un show qui pourrait être risqué, considérant ce qui s'est passé, ça fait en sorte qu'on ne peut pas éviter le sujet. Cet été, le monde théâtral est entré dans le monde politique et social. C'est magnifique parce que l'art peut avoir cette fonction de bouleverser. Notre job d'artiste est de ressentir les mouvements souterrains et les choses qu'on ne perçoit pas encore et qui nous traversent. Nous sommes des révélateurs, mais on ne peut pas faire porter au théâtre la charge de résoudre ces problèmes-là. On peut faire avancer le débat en tout cas. Ceux qui ont dit qu'il n'y a pas eu de débat cet été, je m'excuse, mais c'est un débat, des gens qui ne sont pas d'accord. Il y a eu des positions extrêmes, mais il ne faut pas trop les écouter. On ne peut pas faire des raccourcis intellectuels sans comprendre ce que veulent dire les mots «appropriation culturelle», «liberté d'expression» et «censure». Cet été, j'ai écouté. Je ne peux pas encore trancher à ce sujet.

Parlons donc de la distribution d'Oslo et de diversité.

La distribution a été établie avant l'été. Dans le monde théâtral, on est conscient de la diversité depuis quelques années déjà. C'est étonnant que certains créateurs n'aient pas cette préoccupation présentement, parce que ça fait partie de notre époque. On a vraiment cherché et on s'est demandé ce qui est respectueux. Les deux interprètes qui jouent des Palestiniens sont égyptien et marocain, Manuel Tadros et Reda Guerinik. Ariel Ifergan, lui, a des racines juives. Pour la langue, tout le monde est proche de soi, je ne voulais pas d'imitations d'accent cheap dans le spectacle. En dehors de ça, c'est du théâtre.

Vous avez connu un grand plateau à Québec, mais c'est la première fois à Montréal?

J'ai fait 1984 à Denise-Pelletier, mais je me trouve très chanceuse. C'est formidable d'ouvrir chez Duceppe. Venant de Québec, j'ai pu gagner des galons qui sont invisibles à l'oeil montréalais. Je crois que j'ai monté les marches à un rythme vraiment sain. Je me sens en maîtrise de mes moyens. Ça fait partie de ce défi féminin vers l'équité, comme femme, de travailler sur la confiance en nos compétences. Je me sens bien chez Duceppe avec David Laurin et Jean-Simon Traversy qui font bouger les choses. Ils savaient bien que je ne ferais pas non plus qu'une mise en scène réaliste avec un bureau et quatre chaises. Les acteurs sont extraordinaires. On travaille dans la joie. Pour la conception, j'ai fait appel à de jeunes femmes.

Ce cadre nouveau chez Duceppe ne signifie pas que le combat est terminé pour les femmes au théâtre?

Non, c'est certain. Je fais toujours partie du groupe Femmes pour l'équité en théâtre (FET). Les choses changent lentement. On ne pouvait pas s'attendre à ce que tout change dans l'année qui a suivi notre prise de position. Les grands théâtres comme Duceppe ou le TNM sont de gros navires à faire bouger. Cela prend du temps, mais je suis optimiste.

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Oslo est présentée du 5 septembre au 13 octobre chez Duceppe. Pour souligner le 25e anniversaire des accords d'Oslo, Duceppe présentera le 7 septembre une discussion publique avec Sami Aoun, Jacques Saada et Manon Globensky.

Photo Marco Campanozzi, Archives La Presse

La metteure en scène Édith Patenaude