Les deuxièmes Auditions pour la diversité ont eu lieu lundi soir au Théâtre de Quat'Sous devant un parterre de producteurs, de réalisateurs, d'agents de casting et de journalistes. Onze actrices issues de l'immigration se sont ainsi prêtées à ce jeu de séduction. La Presse vous présente cinq de ces talentueuses interprètes.

Elitza Bodovsky

Cette grande brune d'origine bulgare a grandi en France où elle a été formée au Conservatoire de Perpignan. Mais depuis son arrivée à Montréal, il y a quatre ans, Elitza Bodovsky ne parvient pas à décrocher de rôles au théâtre. «J'ai travaillé pour Ubisoft, j'ai développé des projets pour des jeunes, mais en théâtre, j'avoue que ce n'est pas facile.» Son accent européen n'est peut-être pas un atout pour jouer du Tremblay, mais la jeune femme de 27 ans s'est plutôt bien débrouillée dans ce court extrait de La ménagerie de verre de Tennessee Williams qu'elle nous a présenté.

Tenace, Elitza s'est tournée vers le cinéma, se joignant notamment à l'organisme Kino où elle a participé à la création de courts métrages et fait des stages en réalisation. «J'ai joué dans des webséries, je n'abandonne pas. J'aimerais beaucoup faire du cinéma. Je fais aussi du kickboxing, je rêverais de jouer le rôle d'une espionne!»

Leïla Thibeault Louchem

Leïla est née au Lac-Saint-Jean. Sa mère est québécoise, son père, tunisien. Même si ses traits sont maghrébins, la jeune femme diplômée en jeu de l'UQAM il y a 10 ans a un accent québécois tranchant. Elle ne parle d'ailleurs pas arabe. Pourtant, même si elle a obtenu de petits rôles dans des séries télé (Unité 9, Les bobos, 19-2) et même au cinéma (Miraculum), elle a de la difficulté à vivre de son métier d'actrice. «Je roule ma bosse du mieux que je peux, mais c'est difficile, regrette-t-elle. C'est très politique. Parfois, j'ai l'impression que si j'avais un autre nom, ce serait plus simple. Je suis consciente que c'est difficile pour tout le monde, y compris les Québécois de souche, mais j'ai l'impression qu'on part d'un peu plus bas...»

À 34 ans, Leïla Thibeault Louchem espère faire taire les rumeurs et montrer qu'elle aussi peut avoir des premiers rôles. «Je rêve de jouer le rôle d'une femme normale sans qu'elle ait une origine quelconque.»

Virginie Darma

Actrice pour le théâtre et animatrice télé à l'île de la Réunion où elle est née, Virginie Darma est arrivée à Montréal il y a 10 ans. «La première personne qui a transformé ma vision du théâtre, c'est Wajdi Mouawad», raconte Virginie Darma, qui a été formée en jeu à l'UQAM avant de retourner vivre dans son île. «À l'époque, c'était difficile d'obtenir un permis de séjour, j'ai décidé de partir», explique-t-elle. Mais la jeune femme de 38 ans est revenue il y a huit mois. «Je dois recommencer à zéro, dit-elle. Ici, personne ne me connaît. Je n'ai pas de signature. Tout est à faire.»

Elle aussi est consciente que son accent pourrait l'empêcher d'avoir un premier rôle, mais elle ne se décourage pas. «J'espère simplement trouver ma place, dit celle qui a offert toute une performance en incarnant le personnage d'Eva Perón. Je peux jouer avec des Québécois. Pour l'instant, je ne le sens pas comme une barrière. Il y a un esprit vraiment créatif ici. Travailler avec vous, je crois que c'est possible.»

Dayane Ntibarikure

Elle a du caractère, cette jeune femme d'origine burundaise qui a suivi des ateliers de chant, de danse et de théâtre au cours des cinq dernières années. L'an dernier, on l'a vue dans la comédie musicale Sister Act, mise en scène par Denise Filiatrault, son premier rôle au théâtre. Pourtant, elle s'est quand même prêtée au jeu des Auditions de la diversité. «Au début, j'étais perplexe, dit-elle. C'est plus le concept de la diversité qui me dérangeait, parce que moi, je suis Québécoise. Je suis ici depuis l'âge de 5 ans. Mais c'est sûr qu'il y a un problème. J'espère juste qu'un jour, on n'en aura plus besoin.»

Sa performance lundi soir, notamment dans Les débuts de Loretta de George F. Walker, était impressionnante. La jeune femme de 28 ans s'apprête à jouer dans Les sorcières de Salem d'Arthur Miller, avec La Comédie Humaine, l'automne prochain. «C'est le premier rôle que j'obtiens sans devoir auditionner! précise-t-elle. Ce que je souhaite maintenant, c'est composer mon propre personnage, peu importe si c'est du théâtre, de la télé ou du cinéma. Justement pour ne pas tomber pas dans les stéréotypes.»

Luiza Cocora

Cette actrice d'origine roumaine établie à Montréal depuis huit ans a un charmant accent d'Europe de l'Est avec lequel les dépisteurs de talents devront composer... Formée à l'Université nationale de théâtre et de cinéma, Luiza Cocora a joué au théâtre dans de nombreuses productions, dont Hamlet de Shakespeare, où elle a interprété le rôle d'Ophélie. Brillante dans les deux scènes qu'elle a présentées aux Auditions, l'actrice de 36 ans a un talent évident. «L'important pour un acteur est de transmettre une émotion et toucher les spectateurs.

Bien sûr, il faut se faire comprendre, mais la couleur de la peau ou l'accent sont secondaires. Malheureusement, le théâtre, la télé ou le cinéma ne reflètent pas la réalité sociale», regrette-t-elle. L'actrice a un agent, mais elle ne parvient pas à obtenir des auditions. «Maintenant, j'ai l'impression que la situation change un peu, je sens une petite ouverture, mais c'est difficile. Pourtant, s'il y avait une plus grande diversité, c'est sûr que le public augmenterait et les gens issus de l'immigration se reconnaîtraient.» En attendant, Luiza Cocora s'active. Elle a suivi une formation en cinéma à l'Université Concordia et réalise en ce moment son premier court métrage.