Avec Momentum, Omnibus est l'une des familles artistiques auxquelles Sylvie Moreau revient constamment. Elle sera de Jabbarnack, spectacle «bipolaire» où il est question d'indignation... et d'inaction.

Dans le mot Jabbarnack, on reconnaît le juron qui sert parfois à dire l'ampleur de notre indignation. Les lecteurs de Lewis Carroll, eux, devineront que le titre de la nouvelle création de la compagnie Omnibus est inspiré du Jabberwocky, poème tiré de De l'autre côté du miroir, la suite d'Alice au pays des merveilles.

Ces quelques vers écrits dans une langue inventée (nonsense poetry en anglais) parlent d'un fils à qui son père demande d'aller terrasser un monstre au milieu de la forêt. La métaphore est reprise dans Jabbarnack, oeuvre commune de Jean Asselin et Réal Bossé. «Mais le fils ne fera pas comme on peut le penser et le monstre ne sera pas ce qu'on peut imaginer», précise toutefois Sylvie Moreau.

Les deux maîtres d'oeuvre du spectacle avaient envie de s'attaquer au conformisme et aux bien-pensants, aux voix réactionnaires et aux automatismes progressistes. Des discours qui, «quand ils ne sont qu'à la mode», constituent deux versants «de la même bullshit», selon la comédienne. «C'est un peu de cet état de fait dont on veut rendre compte», ajoute-t-elle.

Le fossé entre la facilité à exprimer sa dissidence sur Facebook et la difficulté de passer à l'action fait aussi partie des préoccupations du spectacle. «On est lâches, immobiles, on se laisse dire des lieux communs, juge Sylvie Moreau. On participe à un cri global, mais on n'est pas prêts à poser des gestes au quotidien.»

Retour au mime

L'actrice revient avec bonheur dans le giron d'Omnibus. Sa rencontre avec le mime, par l'entremise de Jean Asselin, fut une «illumination» lorsqu'elle étudiait à l'École supérieure de théâtre de l'UQAM, où elle a d'ailleurs connu Réal Bossé. Parmi une cohorte qui tendait vers la mouvance Actors' Studio («l'approche thérapeutique du théâtre», dit-elle), ils étaient de ceux qui croyaient davantage au détachement qu'évoque Diderot dans Paradoxe sur le comédien.

Le mime lui est apparu comme une forme de «solfège pour l'acteur», un «vocabulaire concret» tout désigné pour entraîner et exploiter son principal outil de travail: son corps. Des années plus tard, elle a encore une nette préférence pour le théâtre qui n'est pas réaliste.

«Je crois beaucoup à la possibilité de montrer le réel différemment, pour qu'il soit plus acceptable et qu'on y réfléchisse mieux ou différemment.» Jabbarnack serait ainsi un spectacle «bipolaire» où se côtoient un espace poétique livré par les corps et des moments de bascule vers le texte ou des comportements plus «ordinaires».

«Ce qu'on souhaite, c'est que le cerveau du spectateur se trouve devant des contradictions constantes, dit-elle. Comme on l'est souvent dans la vie.»

Du 27 mars au 21 avril à Espace libre.