Créée il y a quatre ans à Glasgow, Yellow Moon, de l'Écossais David Greig, n'est pas passée inaperçue. L'histoire de cette cavale à la Bonnie&Clyde, qui réunit une belle et un truand, a piqué la curiosité du directeur artistique de la Manufacture, Denis Bernard, qui a confié la mise en scène à Sylvain Bélanger.

Le récit de Yellow Moon est inspiré de la véritable histoire de Stagger Lee (Lee Sheldon de son vrai nom), jeune chauffeur de taxi et proxénète, condamné pour le meurtre d'un de ses amis, dans un saloon de St. Louis, aux États-Unis.

C'était en 1895. Son ami William Lyons avait eu la mauvaise idée de lui enlever son chapeau au cours d'une discussion animée. Devant le refus de Lyons de lui remettre son couvre-chef, Lee a sorti son revolver et tiré son pote dans l'abdomen.

Calmement, il a repris son chapeau, l'a déposé sur sa tête, et a quitté le saloon, avant d'être arrêté.

Ce fait divers, immortalisé par la chanson du même nom, Stagger Lee - interprétée par des artistes tels que Fats Domino, Grateful Dead et Neil Diamond - est le point de départ de Yellow Moon, qui fait le récit de la cavale d'un jeune couple après que le garçon eut commis un meurtre.

«Ce qui m'a touché dans cette histoire, explique Sylvain Bélanger, qui a notamment signé la mise en scène de Cette fille-là (solo avec Sophie Cadieux) et de Félicité (d'Olivier Choinière), c'est que l'auteur parle de choses très crues, mais avec beaucoup de poésie.»

Le travail d'adaptation n'a pas été facile, puisque les répliques entre les personnages ne représentent que le quart de la pièce de David Greig. Le reste est un récit narré que Sylvain Bélanger a partagé entre les quatre comédiens qui font double emploi: Benoît Drouin-Germain, Sylvie de Morais, Stéphane Demers et Monique Spaziani.

Lee, un garçon de 17 ans, qui vit dans les quartiers pauvres et rêve de devenir proxénète, s'en prend à son beau-père, qu'il poignarde au cours d'une dispute. Seule témoin de la scène, Leila, jeune musulmane de bonne famille (mais qui s'automutile), prendra la fuite avec ce presque inconnu qu'elle vient à peine de rencontrer.

«Il y a entre les personnages des jeux de miroirs où des étrangers se reconnaissent, explique Sylvain Bélanger. Comme Lee et Leila, qui vivent un véritable coup de foudre et qui se trouvent liés par leurs souffrances.»

Ensemble, ils partent dans les Highlands à la recherche du père de Lee, qui, 12 ans plus tôt, avait dû, lui aussi, prendre la fuite après avoir commis un meurtre. Au bout de leur course, le face à face entre Lee et son père aura finalement lieu.

«Je pense qu'au-delà de cette histoire de cavale, c'est avant tout l'histoire d'un fils qui part à la rencontre de son père, comme s'il voulait lui dire: fais un homme de toi! N'oublie pas que tu as un fils! David Greig s'est servi du mythe de Stagger Lee pour parler du rôle du père, de ses responsabilités, du legs à ses enfants.»

Sylvain Bélanger s'est également attardé à la beauté initiatique de l'oeuvre. «Il y a des rites de passage inévitables pour qu'un garçon devienne un homme. Souvent, il faut qu'il y ait une confrontation avec le père. C'était important pour moi de recréer ces moments-là dans la pièce.»

Le plus grand défi de cette production, selon Sylvain Bélanger, a été de ne pas imposer trop d'images au spectateur, pour qu'il puisse lui-même imaginer cette histoire, qu'il promet de raconter un peu à la manière d'une légende, avec une musique «en vol plané».

______________________________________________________________________________

Yellow Moon, du Théâtre de la Manufacture. À Espace GO du 5 au 27 novembre.