À Avignon, c'est la jungle. Impossible de franchir un coin de rue, sans être assailli par une Colombine qui vous tend un «flyer», un clown qui vous chante la pomme ou une danseuse contemporaine qui s'élance entre les vendeurs de glaces et les statues vivantes. Le festival d'Avignon, ça se passe aussi (surtout) dans la rue, avec des centaines d'artistes qui débarquent ici pour faire leur place dans la jungle. La Presse a rencontré trois spécimens.

Élise Deguire, clown trash

Près de la Place de l'horloge, le coeur d'Avignon, une clownette tatouée, en robe sexy rouge, exécute toutes sortes de simagrées. Et pas les plus élégantes ou ragoûtantes. Elle se présente, Florence Gagnon, une dame un peu fofolle, qui provoque des «ouach» chez les festivaliers, avec ses fantaisies trash et dégueulasses. Par exemple, tenir en équilibre sur sa langue un grand couteau tranchant, ou faire glisser le long de son bras un jaune d'oeuf qu'elle fera ensuite cuire en omelette.

Mais derrière l'accent parisien de Florence, on perçoit un je-ne-sais-quoi de… québécois. On a vu juste: Florence Gagnon est en fait une Montréalaise du nom d'Élise Deguire, une artiste de cirque qui a bossé entre autres pour le Cirque du Soleil, la TOHU et le Festival de jazz.

«C'est plus difficile de se lancer comme artiste de rue à Montréal, parce qu'on ne peut pas jouer comme ça, à l'arraché. Alors j'ai décidé de rester en France et d'étudier le clown à Paris», raconte la jeune artiste, qui cet été promène son clown d'un festival à l'autre en Europe. En plus de jouer son personnage de Florence dans la rue, Élise maîtrise les échasses, sait jongler et jouer de l'accordéon. Mais c'est surtout avec les contrats corporatifs qu'elle arrive à gagner sa vie.

Le jour de notre rencontre, Élise a joué devant un public nombreux et enthousiaste, mais en revanche un peu radin. «Ce qui est bien ici, c'est que les gens restent pour regarder les spectacles. Mais aujourd'hui, je n'ai pas fait beaucoup d'argent: les gens en ont marre de donner.»

To R Mansion: Mangas vivants

Ils sont quatre. Une seule d'entre eux parle un français approximatif. Avec leur énergie nerveuse, leur façon inventive d'utiliser l'espace, leurs drôles de bouilles, leurs agiles acrobaties et leur don de créer des images sur des thèmes de vieux films, ils gagnent immédiatement l'attention des passants.

Ils s'appellent To R Mansion et viennent de Tokyo. Et cet été, ils ont décidé de tenter leur chance en Avignon.

«Au Japon, des fêtes de rue comme ici n'existent pas. Les gens rentrent tout de suite chez eux, quand ils sortent du boulot», explique Kayo Nozaki, la porte-parole du groupe.

Formés en pantomime, en danse contemporaine, en théâtre, les quatre copains de To R Mansion s'inspirent d'Hollywood, du cinéma et des mangas, pour créer les scénettes qu'ils jouent dans la rue.

Ils aimeraient bien percer en Europe et éventuellement en Amérique du Nord. Et ils sont prêts à faire tout ce qu'il faut pour y arriver: tous les jours, ils se tapent une heure de route pour jouer devant les festivaliers avignonnais. «On a cherché un petit appart en ville, mais on n'a rien trouvé. Finalement, on loge dans un hôtel à l'extérieur de la ville.»

DDM, hip hop comique

Autrefois, leur survie en Avignon dépendait de la générosité des festivaliers. Mais cette année, les danseurs cinq danseurs hip hop de Drôles de mecs sont au-dessus de leurs affaires.

Chaque jour, ils offrent un petit show de promo devant le théâtre Le Palace, où ils se produisent à guichets fermés devant 350 spectateurs. Au grand bonheur des festivaliers qui adorent leur façon de mélanger le comique et le breakdance. «On a commencé devant le Trocadéro, en inventant des spectacles de dix minutes. Comme ça marchait fort, on a créé un spectacle d'une heure et demie en salle», raconte Ryad Bassim.

«Nous, on n'a rien à voir avec les autres qui se produisent dans la rue. On est les seuls à mélanger le hip hop et le comique. Comme ce qu'on fait est vraiment nouveau, on n'a pas trop de concurrence.»