Cinq années se sont écoulées depuis Pour une raison X ou Y, premier spectacle de Boucar Diouf dans lequel il perçait les mystères de la biologie humaine avec humour, érudition et poésie. L'humoriste conteur était de retour sur scène au Monument-National jeudi soir avec Magtogoek, ou le chemin qui marche, croisière humoristique, historique et scientifique d'une heure quarante minutes sur le Saint-Laurent. Du sur mesure pour le docteur en océanographie et véritable bâtisseur de ponts entre les cultures.

Débarqué au Québec en 1991, Boucar Diouf a passé la moitié de son existence dans la Belle Province. L'humoriste et océanographe, qui connaît la province comme le fond de sa poche, a choisi, pour son second spectacle, de remonter le fil du Saint-Laurent en faisant escale, tout au long de la soirée, à Rimouski, Percé, Tadoussac, Québec, Donnacona, mais aussi Montréal, des lieux qui ont marqué son histoire personnelle et celle du Québec.

Campé dans un décor de bateau dont les voiles servent parfois à la projection de photos, Boucar Diouf relate, tel un conquistador, le choc de l'explorateur. Celui de Christophe Colomb, mais surtout le sien à son arrivée du Sénégal à Rimouski avec son ami Mamadou, qui sera aussi son compagnon d'initiation universitaire et de beuveries avec pour trame sonore « il est des nôtres ». 

« J'ai dit à Mamadou : "Ça ne sera pas difficile d'obtenir le passeport dans ce pays-là ! Après une caisse de 24, tu deviens le maire de Rimouski !" », lance-t-il sur scène dans un des très bons numéros de la soirée.

FAIRE RIRE ET RÉFLÉCHIR

Baptisé Magtogoek (nom donné par les Algonquins au fleuve Saint-Laurent), le spectacle de Boucar Diouf est également un vibrant hommage à sa passion pour l'océanographie et une nouvelle occasion pour lui d'aborder un de ses sujets de prédilection : les changements climatiques. 

L'humoriste ne manque pas de taquiner les climatosceptiques, profitant de sa tribune pour passer un message plus sérieux mais nécessaire à son public, sans pour autant lui faire la morale. 

C'est d'ailleurs la grande force de Boucar : l'air de rien, et surtout en faisant rire les spectateurs, il informe et fait réfléchir sur des sujets comme l'immigration, l'identité culturelle ou le français.

Il propose d'ailleurs une série de sketchs basés sur l'étude de la sémantique à travers les cultures, et la richesse de la langue française et de ses accents. Tout cela donne lieu à quelques blagues en dessous de la ceinture (saviez-vous que « turlute » signifie « fellation » en France ?) et de beaux moments musicaux : Boucar nous bluffe avec un numéro sur les accents du Québec qui ressemblent à des langues étrangères et se met à imiter le chant lyrique arabe avec des expressions de la parlure québécoise.

D'IMMIGRANTS À PURE LAINE

Boucar se fait parfois touchant à travers de courts monologues qui gagneraient en force s'il délaissait quelque peu le piano qui les accompagne. Le tout devient un peu trop mélo, au détriment des textes qui sont d'une grande finesse, notamment sur l'adolescence. Quelques gags mériteraient également d'être resserrés, en évacuant des jeux de mots qui fonctionnent moins bien, par exemple.

Coup de chapeau à l'humoriste pour son numéro consacré à l'immigration dans lequel il explique au chef Donnacona, kidnappé par Jacques Cartier, ce qu'il est advenu du Québec depuis son départ. Un numéro original où il rappelle que « les immigrants d'hier sont les pure laine d'aujourd'hui », et que même le mouton, le pigeon ou la chèvre ont immigré aux côtés de Champlain, qui a trouvé sur les terres qui forment aujourd'hui le Québec des peuples indigènes qui vivaient ici bien avant son arrivée.

Un spectacle qui permet à coup sûr de franchir des mers de préjugés et de rire malgré le sérieux des thématiques abordées. Magtogoek, ou le chemin qui marche n'est pas un cours d'histoire ni d'océanographie. C'est un show d'humour dont on ressort l'esprit un peu plus ouvert...

*** 1/2

Magtogoek, ou le chemin qui marche 

De Boucar Diouf

Au Monument-National jusqu'à ce soir et en tournée