Après avoir vécu près de 20 ans en Europe, Anthony Kavanagh est de retour au pays. Il vient juste de déménager à Montréal avec sa femme et ses deux enfants. En tournée québécoise avec son nouveau spectacle, le plus international de nos humoristes s'est entretenu avec La Presse.

Non, Anthony Kavanagh n'est pas français ! L'humoriste né à Longueuil manie même la hache comme un bon vieux bûcheron canayen. Or, après une longue absence, malgré de fréquents allers-retours au Québec, on a vu Anthony Kavanagh davantage chez Drucker que chez Guy A.

Il suffit de se balader quelques minutes avec lui dans les rues du Vieux-Montréal pour constater que la confusion est réelle. 

 - Mais non, t'é pas français, toi !

 - Hey ! Es-tu sûr que t'é pas français ?

 - Ça va, le Franco-Québécois ?!

À titre de nouveau porte-parole de Fromages d'ici, Kavanagh joue dans une campagne publicitaire qui fonctionne auprès du public. « Le concept de la campagne des Fromages d'ici exploite la confusion entourant ma nationalité - française ou québécoise. La pub est diffusée depuis trois semaines... Et tout le monde me parle de ça ! J'espère que ces gens-là vont aussi venir voir mon show ! [rires] »

Depuis le début des années 2000, Anthony Kavanagh est comme un trait d'union entre les deux continents. Il est allé faire carrière là-bas, après avoir tenté sa chance à Hollywood, alors que sa carrière au Québec allait très bien.

« C'est fou. Quand j'ai quitté pour aller vivre à Paris, tout le monde me disait : "Pourquoi tu risques tout ? Pour qui tu te prends ? etc." Et aujourd'hui, on me demande pourquoi je reviens m'établir chez moi avec ma famille. »

- Anthony Kavanagh

L'humoriste déplore que les artistes doivent toujours justifier leurs choix de carrière, contrairement aux hommes d'affaires : « Demande-t-on aux gens d'affaires pourquoi ils exportent leurs produits en Chine ? En Europe, on ne réalise pas que le Québec est un marché autonome. »

TOUT SUR ANTHONY

Anthony Kavanagh est de retour avec Showman, un spectacle décalé mêlant musique, impro et personnages comiques, qui rend hommage à la vie. « Un spectacle rempli d'espoir et d'énergie positive, dans lequel je me dévoile comme jamais, dit-il. Vous allez découvrir mes différents visages : ceux que vous connaissez - le fou imprévisible, le comédien, le chanteur, le bruiteur - et ceux que vous connaissez moins - le petit garçon curieux, le papa et surtout l'homme.

« Ça fait 20 ans que je n'ai pas fait de "vraie" tournée au Québec. J'aimerais faire une centaine de dates avec Showman. Mais je dois alterner entre la tournée québécoise et la tournée française qui continue. »

À 48 ans, l'humoriste est en couple avec une Suisse depuis de nombreuses années. Longtemps, sa femme ne voulait pas déménager ici, mais, selon Kavanagh, elle est désormais « follement amoureuse du Québec ». Le couple a deux enfants, une fille et un garçon, et cherche une maison en ville.

PLUS PRÈS DES ÉTATS-UNIS

En s'installant à Montréal, Anthony Kavanagh se rapproche aussi du marché nord-américain de l'humour. Et il compte tester des numéros dans des comedy clubs de la métropole avant d'aller voir nos voisins du Sud. « À Montréal, contrairement à Paris, je peux faire des shows en français, en anglais et même bilingues. C'est quand même un non-sens qu'il ait fallu attendre Sugar Sammy pour avoir une star d'humour bilingue à Montréal. »

« L'Europe a été un bel accident de carrière, dit-il. Adolescent, quand j'habitais sur la Rive-Sud, je rêvais de faire de l'humour en anglais. Mes références étaient plus américaines ou québécoises : Richard Pryor, Eddie Murphy, Robin Williams, Michael Jackson. Au Québec, j'aimais Rock et Belles Oreilles, Daniel Lemire. Mais outre Les Inconnus, je connaissais peu d'artistes européens. »

Très jeune, Kavanagh était déjà aussi à l'aise dans la langue de Shakespeare que dans celle de Molière et il faisait des spectacles bilingues. « Quand, en 1993, je faisais la première partie de la tournée canadienne de Céline Dion, j'avais déjà 35 minutes de numéros en anglais. »

L'AUTRE VERSANT DE HOLLYWOOD

Cette année-là, à 23 ans, le jeune Kavanagh a été sondé par pas moins de 10 grosses boîtes de production américaines. Les producteurs avaient vu la recrue à Just for Laughs. « J'ai choisi un projet en développement qui me semblait bon sur papier. Une émission d'humour pour le réseau ABC, Better Sex Show - un genre de Saturday Night Live, mais au féminin et à heure de grande écoute. J'ai vite déchanté du showbiz américain. »

« J'ai réalisé que les Américains ne sont pas meilleurs que nous ; ils ont juste plus d'argent. Ils parlent en millions de dollars, en Porsche, en marché international. Mais en matière d'idées, de contenu et de talent, Hollywood n'est pas mieux que le Québec. »

- Anthony Kavanagh

Better Sex Show n'a jamais levé. Kavanagh s'est même retiré du projet avant la fin du tournage. Un tremblement de terre à Los Angeles avait endommagé le studio et retardé le tournage. Il a donc utilisé sa clause de retrait pour rentrer au Québec.

« À l'époque, René Angelil m'avait dit [Kavanagh prend la voix grave et rauque du défunt imprésario] : "Écoute, Anthony, tu es parti trop tôt à Los Angeles. Tu aurais dû attendre d'être une star établie dans ton marché. Céline a lancé sa carrière à l'étranger quand son statut de star était confirmé au Québec." »

Un quart de siècle plus tard, Kavanagh est une star en Europe et au Québec. Du haut du ciel, René Angelil doit saluer son retour au Canada. Et lui envoyer les conseils d'un ange. « Écoute, Anthony, tu es mûr pour essayer le marché nord-américain. Toute va ben aller. »

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Les 23 et 24 octobre au St-Denis 2 ; le 25 octobre à la salle Albert-Rousseau, à Québec. En tournée à travers le Québec à l'automne et à l'hiver.

La première médiatique reportée

Les allégations d'inconduites sexuelles dans le showbiz bousculent le calendrier artistique. Showman débute bel et bien lundi soir au Théâtre St-Denis 2, mais la première médiatique a été reportée au 21 novembre. Pas évident de faire rire les journalistes ces jours-ci...