Après avoir présenté son nouveau spectacle pendant deux ans et demi en France et aux États-Unis, Patrick Timsit mettra un point final à sa tournée samedi soir, à l'Olympia de Montréal. Dans On ne peut pas rire de tout, l'humoriste français jouera les «sales types» en incarnant tour à tour le raciste, le nazi, l'antisémite ou encore le macho pour rire sans aucune censure de tout, avec tout le monde. La Presse l'a rencontré quelques jours avant sa première.

Pourquoi avoir attendu 14 ans avant de remonter sur scène avec un nouveau spectacle?

Parce que j'ai fait beaucoup de cinéma et que je n'ai pas regardé ma montre. J'ai commencé dans le métier avec le stand-up. Je n'avais jamais fait l'Olympia de Paris et j'ai toujours pensé que quand tu montais sur cette scène, tu venais chercher ton bâton de maréchal: tu n'es plus là pour faire tes preuves. Je voulais en faire l'expérience et j'ai rappelé mes vieux complices Bruno Gaccio et Jean-François Halin dans l'idée de reprendre du matériel de mes précédents spectacles, mais finalement on était si inspiré qu'on n'a fait que du neuf! Et au lieu de faire deux jours, on a fait deux ans et demi de tournée!

La représentation de samedi sera la toute dernière d'On ne peut pas rire de tout. Faudra-t-il attendre 14 ans pour assister au prochain?

Le prochain spectacle sera pour dire au revoir. Ce sont des carrières de sportifs. Dans la vie, il vaut mieux partir avant qu'on vous dise de le faire. J'ai toujours eu peur du spectacle de trop.

Votre spectacle a vu le jour entre les deux attentats survenus à Paris. Votre affiche où vous apparaissez tenant une bombe a été censurée. Dans un autre contexte auriez-vous accepté de la changer sans protester?

Dans un autre contexte, ç'aurait été terrible. Mais j'ai tout de suite compris que c'était de la peur, de la panique de me montrer tenant une bombe comme ça. J'avais peur que les gens pensent que je veuille racoler. Les médias t'encouragent à commenter en plus, mais j'avais refusé. Deux mois plus tard, les affiches d'origine étaient de retour sur les colonnes Morris.

En 1992, le père d'un jeune trisomique vous a attaqué en justice pour un numéro dans lequel votre personnage de chirurgien-mécanicien lançait: «Les mongoliens, c'est des prototypes. On s'en sert pour prendre des pièces détachées. C'est comme les crevettes roses, tout est bon, sauf la tête». Que pensez-vous la poursuite intentée par Jérémie Gabriel contre l'humoriste Mike Ward?

On ne peut pas vraiment comparer. S'il était en représentation, sur scène, la limite est simple: s'il ne tient pas ces propos dans la vie à un comptoir de bar, il n'y a aucune raison de lui faire un procès. A-t-il insulté ou attaqué ce jeune homme en dehors de la scène? C'est comme si on faisait un procès pour coup et blessure à un boxeur ou pour excès de vitesse à Alonso! Dans mon cas, tout s'est finalement terminé par un accord. Ma vie n'est pas de faire du mal à des gens qui souffrent dans mon spectacle. Il y a des règles simples. Sur scène, on est dans un espace de liberté, mais surtout de fiction. Si les gens n'aiment pas, ils ne rient pas et sortent de la salle. La punition est sévère. Si on ne se moque pas des handicapés sur scène, on les exclut dans un domaine de plus. Je les respecte tellement que je vais les vanner.

Vous leur réservez d'ailleurs tout un numéro dans votre spectacle.

Oui et d'ailleurs, je les ai bien eus lors de I'inauguration de la salle Pleyel (une grande salle symphonique parisienne) quand j'ai fait venir mon père en fauteuil roulant. Il est malheureusement dans un triste état, mais je voulais qu'il me voie jouer dans cette salle et je l'avais prévenu en lui disant: «Papa, je vais te défoncer!». Il y a un double effet au handicap: il y a la personne qui souffre, mais aussi tout l'entourage qui souffre autour d'elle. Je n'ai jamais eu de problème avec les handicapés, mais avec les valides qui les entourent. J'espère qu'ils seront nombreux à venir au spectacle pour rire avec eux. Vous savez, il faut être insoupçonnable sur scène quand on aborde des sujets très sensibles. Il n'y a jamais de moments de malaise, sinon je couperais certaines blagues. Bousculer les gens, ce n'est pas les choquer. Un «oh!» doit être suivi d'un rire. C'est la règle.

Donc on peut rire de tout. Faut-il en maîtriser l'art et la manière?

On ne peut pas s'arrêter à faire tout bonnement une blague raciste pour faire rire l'assemblée. On ne peut pas s'arrêter à cela. J'aborde le racisme en disant qu'il y a environ 25 % de racistes et que je ne peux pas me priver d'autant de spectateurs. Je dis que je suis moi-même raciste: je ne supporte pas les clowns. Ce décalage avec les clowns me permet de dire tout ce qu'on dit bêtement sur des religions ou les étrangers en leur attribuant.

Vous riez beaucoup de la religion juive et des nazis dans votre spectacle. Le Figaro vous a reproché d'avoir été plus clément avec les musulmans qu'avec tous les autres. Qu'avez-vous à répondre?

Je ne calcule pas. Je ne me suis pas privé ni forcé à le faire. C'est vrai qu'inconsciemment, on n'a pas envie d'aboyer avec les loups. J'ai plus envie de plaisanter avec les musulmans en disant: avant les musulmans faisaient peur aux États-Unis, mais maintenant c'est plutôt eux qui ont peur!

Avez-vous reçu beaucoup de plaintes pour ce spectacle?

Je suis la passion des extrémistes. Si on ne sait pas rire de soi, on ne peut pas aimer les autres: c'est qu'on ne va pas bien. Moi, j'aime les doutes, les interrogations et surtout y répondre. J'ai toujours travaillé pour les gens qui m'aiment. Ce n'est pas de la complaisance, ce sont les plus sévères avec toi. Il ne faut pas t'occuper des gens qui ne t'aiment pas. Il faut par contre que ceux qui t'apprécient ouvrent le débat avec ceux qui te détestent. C'est d'ailleurs ce qui se passait au début à la fin de mes spectacles. Les gens s'engueulaient à la sortie!

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À l'Olympia, le 18 février, 20 h.

Photo fournie par L’Olympia

L'affiche du spectacle On ne peut pas rire de tout