Après une période de rodage, Jean-François Mercier sera sur la scène du Théâtre St-Denis ce soir pour la première montréalaise de son nouveau spectacle: Mercier subtil, sensible et touchant. Le gros cave y révèle-t-il une autre facette de sa personnalité? «Le spectacle est hard, répond-il. Ce n'est pas pour tous. N'emmène pas tes enfants ni ta grand-mère.» Finalement, on change, mais pas tant que ça...

Aimé par les uns, décrié par les autres, Jean-François Mercier est un paradoxe. Titulaire d'un baccalauréat en actuariat, diplôme qu'il a décroché pour faire plaisir à sa mère, il prend plaisir à jouer les durs, les crus. Or, c'est un tendre, un bosseur à qui le travail ne fait pas peur.

Ce nouveau spectacle, par exemple, qu'il a concocté avec son complice François Avard et dont Guy Jodoin assure la mise en scène, il l'a écrit, corrigé, ajusté, rodé dans les bars. Et ce n'est pas fini.

«Les gens, dit-il, vont avoir l'impression que c'est un show facile, alors qu'il est le résultat de tellement de travail. Ceux qui m'aiment vont retrouver le Jean-François Mercier qu'ils connaissent et ceux qui ne m'aiment pas, celui qu'ils n'aiment pas. Je ne voudrais pas que les gens se fassent leurrer par le titre. Je suis en ligne directe avec le spectacle précédent.»

Provocateur mais honnête, il aime mieux avertir ceux qui risquent de s'offusquer de son langage. Il a toujours eu un côté baveux. Ça fait partie de lui. Il veut brasser la cage. «Mal parler ne me dérange pas, mais me faire fourrer, oui. L'incompétence crasse me révolte, les injustices aussi.»

Bonheur ou plaisir

Or, Mercier est un gars heureux, mais il voit une différence entre bonheur et plaisir.

«Le bonheur, ce sont des petits hauts et des petits bas. Le plaisir, c'est autre chose. Le spectacle, par exemple, c'est du plaisir, de l'adrénaline pure. C'est une drogue. Il y a un danger à faire de la scène, parce qu'il faut accepter la déprime qui vient après le high. Le bonheur, c'est autre chose; c'est prendre un café en sentant l'odeur des toasts brûlées, c'est aller promener ses chiens. Le bonheur, c'est tranquille. Je déteste vieillir parce que vieillir, c'est perdre ses cheveux, épaissir... Les jeunes te font sentir que tu as des rides dans la face, mais je m'aperçois que plus je vieillis, plus je suis heureux.»

Il n'a jamais eu la tête enflée. «Les journalistes se sont chargés de me garder les deux pieds sur terre», dit-il.

En fait, Mercier a commencé tard dans ce métier. Avant d'oser l'École de l'humour, il avait touché à pas mal de trucs: vendu de l'assurance, du poisson, de la charcuterie. Il a été commis dans le rayon des fruits et légumes d'un Provigo. Est arrivé le moment où, même diplômé, il n'avait, comme Ovide Plouffe, de place nulle part. Surqualifié, il ne parvenait pas à se trouver un job. Sans blonde, sans boulot, sans le sou, il est alors retourné vivre chez sa mère.

«Je n'attendais plus grand-chose de la vie. Je ne voyais pas le boutte», confesse-t-il.

Il rêvait cependant d'être humoriste, mais croyait que là non plus, il n'y avait pas de place pour lui. «J'étais rendu tellement découragé que j'y suis allé pour le rêve. En me disant: je vais faire un an à l'École de l'humour, puis après, si ça ne marche pas, je me tirerai une balle. J'étais prêt à mettre fin à mes jours. Je ne parle pas au figuré. Dans le fond, ce qui te garde en vie, ce n'est pas ce que tu as, mais ce que tu espères. Mon succès, finalement, je l'ai atteint à force de désespoir.»

Pourquoi l'humour?

À partir de là, Mercier a d'abord gagné sa vie comme auteur. Il était, notamment, de la «scandaleuse» émission Dieu reçoit, des Radio Enfer. Il était parmi les auteurs principaux d'Un gars, une fille. Et les choses se sont enchaînées... Mais pourquoi l'humour?

«Tu veux vraiment rentrer là-dedans? Le bac en actuariat, je l'ai associé à un échec. Je l'ai fait pour ma mère parce que c'était important pour elle que j'aille à l'université après tous les sacrifices qu'elle avait faits. Même si on avait peu d'argent, elle nous a envoyés au collège privé. Je savais que je lui briserais le coeur si je n'y allais pas.»

Son père, notaire de profession, est mort à 30 ans d'une crise cardiaque. «Il était gros et il fumait.» Jean-François avait 4 ans. Sa soeur n'était pas encore née. Quant à sa mère, elle était secrétaire. «C'est une époque où elle aurait été femme au foyer si son mari avait été vivant.»

Cette maman qui a aujourd'hui 73 ans, Mercier en parle beaucoup, souvent. Elle est très présente dans son coeur, dans sa vie et dans son travail. «Elle fait les voix off dans mon show, dit-il. Jodoin l'a fait travailler. Moi, ma mère ne sacre pas dans la vie, elle parle bien, mais là... J'écoute ça et je meurs de rire. Mais ce qui nous a vraiment rapprochés, c'est Prière de ne pas envoyer de fleurs, où j'étais l'invité. Elle attendait d'être opérée pour le coeur. Ça commençait à presser. Tout d'un coup, je la vois entrer, en marchant difficilement, pour venir faire un numéro de stand-up. C'est dur, le stand-up, plus qu'on croit. Je ne pensais pas ma mère capable de livrer un numéro. Je me disais: ils vont la tuer.»

En dépit de son image de dur à cuire, c'est un sensible, Mercier, un tendre. «Je ne trouve pas que c'est une faiblesse, conclut-il. C'est souvent associé à la féminité, mais je me dis que j'ai assez de testostérone pour compenser.»

Dates marquantes

> 19 juillet 1967: Date de naissance. Il faut bien commencer quelque part.

> 1er novembre 1997: «À 30 ans, j'ai arrêté de fumer. Ç'a certainement été la chose la plus difficile de ma vie. Les patchs, ça t'enlève pas le goût de fumer, mais ça t'enlève le goût de tuer.»

> Juillet 2005: Première apparition à un Gala Juste pour rire, dans celui de Laurent Paquin.

> 6 novembre 2006: Première médiatique du Show du gros cave à Montréal.