Le quatrième spectacle de François Morency arrive au terme de 20 ans d'une carrière pratiquement sans faute. Et, malgré toute son expérience, il en arrive à la conclusion qu'être humoriste n'a rien de zen. Entretien avec l'un des grands professionnels de l'humour au Québec.

Dans son nouveau spectacle que nous avons vu en rodage, François Morency invente quelques messages rigolos de biscuits chinois, le tout sur une musique qu'on dirait sortie d'un cours de yoga. Furieusement calme, c'est le titre du show, qui représente bien l'humoriste. Morency est un gars qui semble toujours en contrôle de lui-même, d'une absolue discrétion sur sa vie privée, impeccable dans tout ce qu'il touche. Un pro, qui animera d'ailleurs le prochain gala Les Olivier.

Mais, comme la plupart des humoristes, c'est un éternel angoissé. Et cela tient à une vérité implacable du métier qu'il a fini par comprendre après 20 ans de travail acharné: «C'est toujours à recommencer, dit-il. C'est ce qui est à la fois beau et affreux. C'est l'ultime justice. Quand on monte sur scène, même si on a de la notoriété, on a cinq minutes de grâce, mais, ensuite, on est évalué selon les mêmes critères qu'à ses débuts. À la rigueur, c'est pire, car les gens ont des attentes et n'auront pas de pitié puisqu'on n'est plus un débutant.»

Le côté impitoyable de l'humour, il en a révélé la face cachée dans le livre Dure soirée, un best-seller qui raconte les pires cauchemars de scène, qui soient arrivés pour vrai à ses collègues et à lui. Et pourtant, on a beau se creuser la tête, on dirait que la fortune a toujours souri à Morency. On devine que c'est le professionnalisme maniaque dont il fait preuve qui explique en grande partie ses réussites sur scène, à la radio, au cinéma, à la télévision, à l'animation de gala...

S'il doit faire le bilan des deux dernières décennies, c'est cette polyvalence dont il est le plus fier. «Ma plus grande satisfaction est d'avoir fait un plein de choses. J'aurais été malheureux d'être cantonné à une seule chose, surtout au Québec, où le marché est petit. Il faut s'ajuster et faire des projets différents. Ça empêche la monotonie.»

Mais pour la scène - son premier amour -, la flamme brûle toujours. «Je n'ai jamais autant dégusté un show que présentement. Chaque soir, je suis de bonne humeur, j'ai hâte que ça commence. J'assume tout dans mon show; il est beau, le fun, drôle. Ma seule job est d'être assez en forme pour le rendre comme du monde.»

L'expérience

Furieusement calme semble un aboutissement pour Morency, 47 ans, qui renoue avec l'improvisation. Pendant ce spectacle, il n'hésite pas à sortir de son texte en s'inspirant de ce qui se passe dans la salle. «Beaucoup d'humoristes de ma génération ont fait de l'impro, note-t-il. Quand j'ai fait mon premier show, j'ai tassé ça; je pensais que c'était des affaires de bar. Pour ce show-là, je me suis rendu compte que j'avais encore ce sens de la répartie en moi. Et il n'y a pas un soir où il n'arrive pas quelque chose de spécial... les gens adorent ça!»

Non seulement il improvise, mais il offre aussi aux spectateurs une séance de questions à la fin de chaque représentation. Celui qui est si discret avec les médias répond alors à n'importe quoi. «Je constate que les gens voient ça comme un cadeau. Je fais attention avec les médias, mais pas avec le public, parce qu'il n'y a pas de filtre, tout vient de moi. Et puis, je n'ai aucun squelette dans mon placard.»

Les magazines à potins devraient profiter de cette générosité... «C'est une très mauvaise idée!», nous répond-il, un peu paniqué.

La famille

Cette ouverture explique probablement le ton plus confidentiel de son nouveau spectacle, dans lequel il rend hommage à ses parents, qui célèbrent leurs 62 ans de mariage. «C'est plus qu'incroyable, c'est frustrant!», lance-t-il.

Oui, François Morency, qui a la réputation d'être un éternel célibataire, vient d'une famille nombreuse (quatre enfants) et d'un couple fusionnel.

D'ailleurs, la famille, les enfants sont très présents dans ce show, dont l'un des thèmes importants est... la peur.

Pas le choix de lui demander: a-t-il peur de l'engagement? «J'ai déjà eu cette peur, mais plus maintenant. Plus du tout.»

Quant à la paternité, il affirme avoir eu beaucoup plus peur de ne pas avoir d'enfants que d'en avoir.

«Là, je me suis calmé. J'avais la perception que si on n'a pas d'enfants, notre vie est un échec. Pas parce qu'on me l'avait dit, mais c'était dans ma tête. J'ai compris que ça se peut que ça n'arrive pas, et c'est correct. Tout le monde me dit que la vie telle qu'on la connaît, c'est fini quand arrive un enfant; ça vire de bord, du bon comme du mauvais côté. J'ai la curiosité de vivre ça...»

Après quatre créations, soit le nombre exact d'enfants Morency, l'homme serait-il tenté par la paternité?

Il se dit calmé à ce sujet, mais n'oublions pas qu'il est «furieusement» calme...

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Du 12 au 15 février, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts.

En 20 ans de carrière...

> En 1994 et en 1997, il fait la première partie du spectacle de Céline Dion.

> Numéro 1 au box-office en 2001 pour le film Nuit de noces, dont il partage la vedette avec Geneviève Brouillette.

> Animateur du talk-show Merci, bonsoir! à TVA en 2003

> Quatre spectacles solo (en 1997, 2001, 2005 et 2013), vus par 450 000 spectateurs jusqu'ici.

> Quatre Olivier de l'émission de radio humoristique de l'année (Midi Morency)

> Des billets platine en 2004 et en 2008 (plus de 100 000 billets vendus)

> Animation de huit galas Juste pour rire

> Animation de trois galas Artis

> 25 000 exemplaires vendues de son livre

Trois biscuits chinois

Nous avons demandé à François Morency de composer trois messages qui pourraient se retrouver dans des biscuits chinois. Voici le résultat:

> «Le lion mange la gazelle qui court le moins vite; donc, il n'aime pas le fast food.»

> «Quand un autobus s'arrête et que ça fait «pishhh», ça me donne le goût de m'ouvrir une bière.»

> «Il y a un lien direct entre le nombre de tatouages que tu as dans la face et le nombre de questions que tu te fais poser par le douanier.»