L'humoriste Guy Nantel ne chôme pas. Deux ans après la dernière représentation de son troisième spectacle, La réforme Nantel, il revient mardi à la Place des Arts avec la première montréalaise d'un quatrième solo qui ne peut être plus ancré dans l'actualité: Corrompu. En rencontre avec La Presse, il raconte qu'on l'a incité à se lancer en politique, mais que c'est l'humour qui le passionne. Ce qui ne l'empêche pas de fréquenter Denis Coderre... sans pour autant voter pour lui!

Cela fait 25 ans que Guy Nantel fait rire en se moquant de nous. Il avait passé les auditions des Lundis Juste pour rire au Club soda, en 1988. En 1995, il entrait dans la cour des grands avec son premier spectacle, Par la porte d'en arrière. A suivi en 2005 Les vraies affaires puis, en 2010, La réforme Nantel.

Dix ans entre le premier et le deuxième spectacle. Cinq ans entre le deuxième et le troisième. Trois ans entre le troisième et le quatrième. De plus en plus productif, Guy Nantel! Est-ce le fait d'être passé du producteur Juste pour rire à Entourage? Pas seulement, dit-il, mais en partie.

«Ma nouvelle équipe voulait que je reparte au plus vite, alors j'ai écrit Corrompu en six mois, dit-il. Après La réforme, les gens me demandaient si j'allais faire de la politique. Ils m'assuraient vouloir voter pour moi! Je leur répondais que j'avais choisi de faire de l'humour sur la politique. Mike Ward fait des jokes de cul, y va pas se mettre tout nu! J'ai aucune intention de quitter cette job, qui est la plus aimée au Québec, pour celle qui est la plus détestée.»

Sociopolitique

Corrompu est un spectacle de 1 h 50 (sans compter l'entracte) dans la lignée sociale et politique des précédents. Pas de décor particulier. Guy Nantel incarne son personnage au costume deux-pièces et chemise amidonnée qui fesse sans retenue sur l'hommerie. «Ce n'est pas un show sur la commission Charbonneau, dit-il. C'est sur la condition humaine, sur la corruption de l'âme. Sur comment on fait toujours la morale aux autres, mais, quand on se regarde dans le miroir, on pourrait aussi sortir des cadavres du placard.»

Les provocations de Guy Nantel sont toujours là et même des «jokes de cul» sont du spectacle. «Ce n'est pas un show élitiste. La sexualité fait partie de la vie. Mon personnage est bavard et très à droite. Il ne faut pas prendre tout ce que je dis au pied de la lettre.»

A-t-il l'impression de contribuer au cynisme quand il dit dans son show que «la démocratie, c'est décider qui va te fourrer dans les quatre prochaines années»? «C'est un peu vrai, répond-il. Je suis cynique, mais très loin de ce que je crois. Le système politique fait en sorte qu'il faut avoir un parti fort, donc de la pub, donc de l'argent, donc des liens avec des gens puissants. Ça a toujours été comme ça. Faut arrêter de penser que c'est juste ici et maintenant. Pas une raison de tolérer tout ça, mais quand on pointe une personne, on pense que ça ira mieux en l'éliminant. C'est pas vrai. C'est le système politique qu'il faudrait changer. On n'est pas en démocratie pure. C'est de la business, donc c'est forcément pourri.»

Heureusement, dit-il, le niveau de conscience de l'humanité évolue. «Je ne fais pas de l'humour militant. Je ne dis pas: «Combattons les pourris!» Je fais un peu ce que le fou du roi faisait au Moyen Âge, tout en étant ami avec le roi et ses sujets. Je me vois un peu comme un philosophe humoristique.»

Denis Coderre

En mai 2012, il a participé à la soirée du 15e anniversaire de l'élection de Denis Coderre comme député libéral de la circonscription de Bourassa. Pourquoi? «Je ne suis pas un militant de son parti, dit-il. J'apprécie le personnage. Quand tu manges avec lui, tu ne t'ennuies pas. Il est venu à mon dernier gala Juste pour rire. Je fais la distinction entre le bonhomme et le politicien. Je vais me payer sa gueule pareil s'il est élu!»

Est-ce qu'il va voter pour lui? «Non, répond Guy Nantel. De toute façon, je ne te dirai pas pour qui je vais voter parce que chaque fois que j'ai parlé de politique dans les médias, les gens disaient: «Ah Ah! On sait maintenant pourquoi tu as dit ça! Pour descendre untel et planter tel parti!» C'est pas comme ça que j'opère. Même ma mère pourrait passer au bat!»

Incorruptible, Guy Nantel veut être franc dans tout ce qu'il fait. S'il est bénévole pour Terre sans frontières, il prévient qu'il lui arrive de faire des shows pour des organismes de charité tout simplement parce que ça lui rapporte de l'argent ou que cela lui donne de la visibilité. «Je ne suis pas corrompu parce que je te le dis! Les corrompus devraient mettre ce qu'ils font sur internet. Denis Coderre, par exemple, sera à mon spectacle. Il est invité. C'est un cadeau. Il devrait avoir un site où il dit: ''En passant, telle date j'ai eu des billets pour le spectacle de Guy Nantel.'' Pour que le monde ne dise pas ''Ah Ah! Il est corrompu!''»