«Je trouve ça formidable, sain et rassurant pour l'avenir de voir émerger tous ces jeunes des communautés culturelles», dit Gilbert Rozon, fondateur de Juste pour rire, qui va bientôt annoncer la signature de deux autres humoristes d'origine étrangère, après Eddy King et Rachid Badouri.

La vice-présidente programmation à Juste pour rire, Lucie Rozon, estime que les producteurs québécois s'intéressent plus aux humoristes «ethniques» qu'avant. Cela ne veut pas dire que c'est plus facile car ça prend encore des années pour percer.

D'origine tunisienne, Nabila Ben Youssef est sortie de l'École nationale de l'humour en 2002. C'est la télé et Tout le monde en parle qui l'ont révélée en 2006. «Et encore, ça a pris moins de temps pour moi que pour d'autres. Normalement, ça prend dix ans pour un humoriste de roder son spectacle. Il y a tellement d'artistes pour un petit marché.»

Rachid Badouri explique qu'on peut plus facilement vivre de l'humour qu'avant au Québec. «Il y eut un temps où quand tu disais à ton père que tu voulais devenir humoriste, y avait de grandes chances que tu manges une claque! Il n'y avait pas d'école de l'humour, pas de mercredis Juste pour rire, pas de mardis à Drummondville ou de vendredis à Saint-Ci ou Saint-Ça. On a le plus grand festival d'humour au monde à Montréal et les plus grands consommateurs d'humour sur la planète: les Québécois!»

Selon Lucie Rozon, les Québécois aiment l'exotisme et «découvrir des choses.» Ils ont même adopté Sugar Sammy que l'on verra au gala Les Olivier, demain. Né à Côte-des-Neiges de parents indiens, Sugar a amorcé sa carrière en anglais, mais en 2007, il a commencé à faire des shows en français.

«L'humour d'un Québécois d'origine indienne, anglophone et francophone, fédéraliste, c'était pas mal différent pour eux, dit-il. De dire à 2200 personnes que j'étais du côté du Non au référendum, ça prend du courage! Il y avait bien six ou sept Jack Daniel's impliqués dans la création de ce numéro!»

Sugar Sammy dit que les Québécois aiment les «baveux qui aiment taquiner». «Quand ça ne vient pas d'un fond de haine, les gens apprécient, dit-il. La taquinerie, c'est le sport national du Québec, alors je suis un vrai Québécois!»

L'humour peut-il cimenter une société multiculturelle? «Oui, dit-il. On le voit aux États-Unis. Les humoristes noirs comme Eddie Murphy ont été la vitrine de leur communauté. Et les producteurs se sont aperçus que le risque financier est le même.»