Margaret Atwood a utilisé Twitter, dimanche, pour se défendre après avoir écrit une lettre ouverte controversée dans laquelle elle se demandait si elle était une «mauvaise féministe» en contestant les stratégies du mouvement #MeToo (#MoiAussi).

Dans un texte publié samedi dans The Globe and Mail intitulé «Am I a bad feminist?», Mme Atwood a qualifié le mouvement de «symptôme d'un système judiciaire brisé».

La lettre ouverte a suscité les critiques de certains observateurs, qui se sont montrés frustrés face à ce qu'ils considèrent comme une «trahison» aux valeurs féministes de la part d'une écrivaine qui a beaucoup réfléchi sur cette question.

Mme Atwood a constaté dans son texte que les femmes utilisaient de plus en plus les canaux du web pour diffuser des accusations d'inconduite sexuelle en raison d'un système judiciaire souvent inefficace.

Mais l'écrivaine de 78 ans a exprimé son inquiétude sur la possibilité que le mouvement aille trop loin, rappelant les dangers de la «justice populaire», qui selon elle peut se transformer en «un lynchage solidifié culturellement dans lequel le type de justice accessible est jeté par la fenêtre et des pouvoirs extrajudiciaires sont mis en place et maintenus».

L'auteure de The Handsmaid's Tale, qui est très active sur Twitter, a écrit plusieurs dizaines de messages, dimanche, répondant aux critiques des internautes.

Elle a aussi partagé des liens de deux autres textes qui ont remis en question le mouvement #MoiAussi.

Liens avec le maccarthysme et la Révolution française

L'un d'entre eux, It's Time to Resist the Excesses of #MeToo («Il est temps de résister aux excès de #MoiAussi»), écrit par Andrew Sullivan, compare la mise en place d'une liste anonyme d'hommes potentiellement dangereux pour les femmes à l'époque du maccarthysme, qui a détruit la carrière de nombreuses personnes soupçonnées d'être communistes.

Certains admirateurs de Margaret Atwood disent avoir été dérangés que le mouvement ait été caractérisé de «chasse aux sorcières» par l'auteure, qui a fait des liens avec des événements violents qui ont été provoqués par la défaillance du système judiciaire, citant par exemple les décapitations pendant la Révolution française.

Plusieurs autres ont été choqués par le partage de l'article d'Andrew Sullivan, mais Mme Atwood a insisté sur le fait qu'elle avait seulement tenté de comprendre des opinions divergentes sur le sujet.

«Retweeter (partager) n'est pas appuyer. J'assume que les gens peuvent lire par eux-mêmes et faire leur propre opinion. Peut-être que nous devrions être au courant de tous les points de vue», a-t-elle répondu à un utilisateur de Twitter.

L'auteure à succès Roxane Gay, qui a publié une série d'essais appelés Bad Feminist en 2014 sur les nuances de l'idéologie féministe, a écrit à Margaret Atwood qu'elle n'avait jamais voulu dire cela en parlant de «mauvaise féministe»

Certains ont dénoncé Mme Atwood car ils croient qu'elle a utilisé l'expression de Mme Gay sans lui attribuer.

Pas les premières critiques

Ce n'est pas la première fois que Margaret Atwood se fait critiquer sur ses idées féministes. Elle-même en parle dans son texte.

À l'automne 2016, elle avait cosigné une lettre ouverte à l'Université de la Colombie-Britannique pour dénoncer sa gestion des plaintes d'inconduite sexuelle contre le président du département de création littéraire, Stephen Galloway. La lettre a parlé du processus d'enquête de l'université comme étant secret et injuste.

Plusieurs victimes présumées de M. Galloway ont pris en grippe les auteurs de cette lettre, qui selon elles se rangeaient du côté de l'universitaire.

«Une personne juste retiendrait tout jugement de culpabilité jusqu'à ce que le rapport et les preuves puissent être accessibles. Mes détracteurs ont déjà fait leur idée», a déploré Mme Atwood dans son texte.

À la fin de sa lettre, Mme Atwood écrit que le patriarcat se nourrit des divisions entre les femmes et elle encourage celles-ci à éviter de tomber dans ces conflits.

«Si Margaret Atwood souhaitait que cessent les guerres entre les femmes, elle devrait arrêter de déclarer la guerre contre les femmes plus jeunes et moins puissantes et commencer à écouter», a rétorqué un internaute.

Margaret Atwood n'a pas répondu aux demandes de commentaires de La Presse canadienne.