La Presse a fait le décompte du nombre d'hommes et de femmes invités à huit talk-shows diffusés en 2017-2018. Résultat? Maripier! tire de la patte avec seulement 25 % de femmes invitées. À l'opposé, La belle gang a reçu plus de femmes que d'hommes à son émission. Règle générale, les femmes se taillent une place dans les talk-shows.

D'abord, les fleurs. Le show de Rousseau, Les échangistes, Deux hommes en or, Y'a du monde à messe et La belle gang se situent dans la «zone de parité» hommes-femmes, qui correspond à une proportion de plus de 40 % de femmes invitées sur leurs plateaux.

«On se donne comme obligation de s'assurer qu'il y ait une parité, dit l'animateur de Y'a du monde à messe à Télé-Québec, Christian Bégin. Nous avons cinq invités, donc nous ne pouvons pas faire 50-50, mais on s'assure d'avoir toujours au moins 2-3 femmes.»

«Ma productrice est Marie-France Bazzo! Dois-je vous dire qu'elle est très sensible à cette question-là? Toute l'équipe aussi, d'ailleurs.»

Coanimatrice de La belle gang à Canal Vie, Isabelle Racicot ne se doutait pas que plus de la moitié des invités de la centaine d'épisodes de la saison de son émission étaient des femmes, puisque ce n'était pas le désir conscient de l'équipe de donner la parole à plus de femmes que d'hommes.

«Que nous parlions de parité ou de minorités visibles, mon discours est toujours le même: arrange-toi pour avoir une diversité autour de ta table. Que ce soit dans ton entreprise, à la télévision ou dans ton journal, l'équipe va être gagnante. Une femme va avoir une vision différente d'un homme. Une minorité va avoir une expérience complètement différente», explique Isabelle Racicot.

L'animatrice télé et radio, qui a plus de 20 ans de métier, estime que son équipe n'a pas eu de difficulté à trouver des expertes pour aborder une panoplie de sujets de société.

«À La belle gang, nous nous étions donné comme mandat d'entendre d'autres voix. Est-ce que c'est ce qui nous a emmenés à inviter plus de femmes? Peut-être. Il y a plein de femmes dans tous les domaines, il faut juste leur donner une voix», dit Isabelle Racicot.

Un effort «payant»

En analysant les chiffres des neuf dernières saisons de Tout le monde en parle, nous avons constaté une légère amélioration chaque saison. Elle peut être minime, par exemple de 1 %, mais ça finit par se voir à l'écran. L'équipe de l'émission peut se targuer d'avoir invité 10 % plus de femmes cette saison qu'à la saison 2009-2010.

La recherchiste en chef Carole-Andrée Laniel explique que l'équipe était toujours la première «fâchée lorsque ça manquait de présence féminine».

«Est-ce difficile, des semaines, d'avoir des filles? Oui. Il faut faire l'effort. Mais le bonheur dans tout ça est que le résultat est bon. Si ce n'était pas le cas, je lâcherais peut-être un peu la pédale. Mais ça marche ! Parmi nos meilleures émissions, il y avait beaucoup de filles.»

La recherchiste en chef constate que, bien souvent, les incontournables dont tout le monde parle sont des hommes. Un Gérard Depardieu qui est en ville ou un Justin Trudeau qui vient de se libérer s'imposera de soi sur le plateau de l'émission du dimanche. Une fois ces incontournables trouvés, l'équipe se demandera «comment on peut ajouter des filles», entre autres en augmentant le nombre d'experts sur un sujet.

Elle cite en exemple les astrophysiciennes Julie Hlavacek-Larrondo et Marie-Eve Naud qui ont été invitées pour parler de l'héritage scientifique de Stephen Hawking. Des expertes qui ont d'ailleurs été très appréciées du public.

«Il y a autre chose. Au début de Tout le monde en parle, beaucoup d'expertes refusaient de venir. Elles me disaient qu'elles n'étaient pas la meilleure personne. Bizarrement, le gars, même si son CV est similaire à la fille, ne va pas hésiter à dire oui», dit celle qui a, de prime abord, refusé la demande d'entrevue de La Presse... en proposant Guy A. Lepage!

Un changement s'opère

Les statistiques des deux premières saisons de Maripier! à Z sont peu réjouissantes quant à la place faite aux femmes invitées (24 %).

Productrice de Media Ranch, Roxane Couture joue franc-jeu: «Nous venons de compléter la troisième saison et c'était la première fois que Maripier [Morin] et moi étions les productrices du show. Dès que nous avons commencé à parler de la saison 3, nous avons parlé de parité. C'était très important pour nous de l'atteindre.» L'émission était par le passé produite par Salvail & Co.

Leur but était d'avoir six filles et six gars pour cette troisième saison, qui sera diffusée à l'automne. Elles ont réussi à avoir quatre filles sur douze invités, en raison de conflits d'horaire.

Même si la chaîne Z s'adresse à un auditoire masculin, la productrice de 29 ans affirme que les épisodes qui étaient consacrés à une personnalité féminine ont attiré le même nombre de téléspectateurs qu'un épisode mettant en vedette un homme.

«Dans les dernières années, nous voyons vraiment une montée de femmes super inspirantes. J'ai l'impression que plus ça va, plus on leur fait de la place et plus elles prennent la place», indique Roxane Couture, productrice de Media Ranch.

Elle ajoute que l'égalité des sexes fait partie des préoccupations de sa génération et qu'elle est donc convaincue que nous allons en voir de plus en plus dans des postes clés de la production, ainsi qu'à l'écran. Maripier Morin et elle sont d'ailleurs un bon exemple de la théorie que des femmes dans des postes influents peuvent aider à rattraper le retard.

Les autres interviewés sont d'accord avec elle : un changement s'opère à ce sujet.

L'animateur de Y'a du monde à messe, Christian Bégin, ajoute: «On assiste à un changement qui n'est pas passager. On passe dans un autre monde où l'on révise notre rapport aux autres. Je regarde mon fils de 25 ans, pour qui c'est déjà quelque chose d'acquis. Moi, je viens d'un monde qui s'éteint et c'est parfait comme ça. C'est à moi de m'adapter à ce nouveau monde.»

Photo Olivier Jean, La Presse

Roxane Couture, coproductrice de Maripier!