Comédien et scénariste (Nouvelle adresse et le court métrage primé Toutes des connes), Guillaume Lambert publie un premier roman actuel et sulfureux. Tel un double masculin de Nelly Arcan, l'auteur y aborde la sexualité gaie et débridée à l'époque 2.0.

Au cours de notre entretien, Guillaume Lambert utilisera trois fois le mot «spectateur», au lieu de «lecteur»; comme dans «je voulais que le spectateur se sente voyeur». La quatrième fois, il finira par se rendre compte de son lapsus.

Il faut dire que Lambert vient du milieu du théâtre et de la télévision. D'ailleurs, il affirme avoir fait un roman... par hasard. «La forme s'est imposée en cours d'écriture, par élimination, dit-il. Je ne voyais pas de pièce, ni de scénario, ni de série avec ce texte.»

Tant mieux, car ce premier roman - presque une longue nouvelle - est l'une des très belles surprises de la rentrée littéraire. Entre la confession et le journal intime, l'auteur a créé «une fiction teintée de vérité» à propos d'une passion d'amour entre deux hommes. Et surtout, de sa brusque rupture.

À travers l'échec amoureux, le narrateur aborde les névroses et les obsessions propres à notre époque (Facebook, Instagram et SMS sont ses plus fidèles amis). Dès le titre, Guillaume Lambert donne le ton. Satyriasis signifie «l'exagération morbide du désir sexuel», mot qu'il juxtapose à «années romantiques».

L'histoire sera douloureuse mais pas tragique. L'auteur y ajoute un peu d'humour, des commentaires sur la technologie et les médias sociaux. «Je voulais pousser à l'extrême la forme du journal intime, dit-il, l'épanchement des gens à exposer leur souffrance et à se confesser en public. Nous vivons à une époque de victimisation. C'est bien vu d'avoir beaucoup souffert dans la vie.»

Au cours de son récit, Lambert égrène quelques références littéraires: Nelly Arcan, Marguerite Duras, Flaubert. Ce qu'il aime chez Duras? Son obsession du souvenir. «Plus Duras raconte et nomme les choses, plus elle s'égare et se dépossède de ses souvenirs douloureux. J'aime aussi la musicalité de son écriture. Ses phrases se déposent parfaitement les unes sur les autres.»

À la défense de la putasserie

Chez Nelly Arcan, il a tiré le courage d'aborder la sexualité sans filtre, de s'y abandonner. Il raconte le sexe cru et anonyme dans les ruelles, les saunas, les parcs. Lambert aborde le thème de la putasserie sous l'angle de la «fifitude»: «Un homme aussi peut être putain», écrit-il.

Selon lui, la dualité masculin/féminin expérimentée par les hommes gais et bisexuels représente «une quête identitaire nécessaire». «Je revendique la putasserie comme un humanisme, lance-t-il. Un homme peut parfois agir comme un macho; d'autres fois comme une conne.» À ses yeux, la putasserie est «une manière d'aller à la rencontre des autres, même si ça peut être dangereux, qu'on peut sombrer dans la solitude et l'amertume». Comme le dit un personnage de Michel Tremblay: «J'suis peut-être une guidoune, mais j'suis une guidoune qui se donne!»

Malgré l'isolement et la frustration, Lambert va clore le chapitre de la souffrance et de la quête existentielle de son amant éconduit, dans une fin ouverte et lumineuse.

«Dans la vie, je n'ai pas peur de vivre avec ma part d'ombre, je ne le cache pas. Les gens qui me connaissent l'apprivoisent aussi.»

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Satyriasis (mes années romantiques). Guillaume Lambert. Leméac, 115 pages.