«Comment forme-t-on une tête à Papineau?» C'est la question que pose l'un des essais parus cet automne sur la rébellion de 1837, La Culture des Patriotes. Un autre, Papineau erreur sur la personne, veut dénoncer ceux qui font du chef patriote l'ancêtre des modérés d'aujourd'hui: au contraire, la défaite de son idéal d'indépendance complète de la Couronne britannique a «tué» la véritable nature du Québec.

Erreur sur la personne est une dissertation touffue des écrits de Papineau par deux francophones qui enseignent aux universités McGill et d'Ottawa. De longs passages appuyant leur argumentaire méthodique sont cités. La prose est étonnamment claire vu les subtilités de la question.

Au coeur du livre se trouvent des attaques parfois méprisantes - «s'aventure depuis quelque temps du côté de l'écriture de l'histoire» - contre des intellectuels qui ont voulu interpréter Papineau de façon erronée: les fédéralistes qui estiment que ses revendications ont trouvé leur réponse dans l'évolution politique du Canada; et les souverainistes qui, pour ne pas effrayer les électeurs, affirment que l'indépendance du Québec peut se faire en douceur. André Pratte, John Saul et Jacques Parizeau, entre autres, en prennent pour leur rhume. Curieusement, les auteurs n'abordent pas Le roman de Julie Papineau, de Micheline Lachance, qui a pourtant contribué à la perception qu'ont beaucoup de Québécois de Louis-Joseph Papineau.

Il apparaît que Papineau avait bien compris qu'une minorité est toujours opprimée, que la modération est néfaste et qu'il ne faut jamais mettre de gants blancs. Un passage d'une allocution de Bernard Landry, prononcée à l'occasion du dévoilement d'une statue de Papineau en 2002, est cité avec approbation: «Ces idées, pour qu'elles triomphent, ont comporté un élément de violence tragique.»

La prescription des auteurs pour le Québec d'aujourd'hui est à l'avenant. «Il faut voir de quel côté l'ambivalence, jamais bonne pour une personne ou un peuple, peut être mise en échec.»

La Culture des Patriotes est plus centré sur le XIXe siècle. Ce recueil d'une dizaine de courts essais par autant de professeurs de cégep et d'université dissèque les influences des révolutions française et américaine, de l'idéal de la Rome et de la Grèce antiques - non pas une «évasion», mais une «émancipation» - et des mouvements républicains européens de la première moitié du siècle sur la rébellion de 1837.

La description des commentaires contemporains sur les révolutions de 1776 et de 1789, notamment par la Gazette littéraire de Montréal, est particulièrement intéressante. Le rôle de l'Église n'est que brièvement évoqué, par le biais des collèges classiques et leur opposition grandissante à la modernité au fil du XIXe siècle. Seul l'un des essais est plus résolument tourné vers le présent, critiquant l'association entre 1789 et les totalitaristes communistes par «l'oligarchie politique et intellectuelle».

__________________________________________________________________________

* * *

Papineau erreur sur la personne. Yvan Lamonde et Jonathan Livernois. Boréal. 201 pages.

* *

La Culture des Patriotes. Sous la direction de Charles-Philippe Courtois et Julie Guyot. Septentrion. 224 pages.