Le bibliothécaire don Hermógenes Molina et l'amiral don Pedro Zárate sont chargés par l'Académie royale d'Espagne d'aller quérir à Paris les 28 volumes de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, parue entre 1751 et 1772.

Leur mission se déroule à l'orée de la Révolution française. Or, l'édition originale est depuis longtemps épuisée. Les nombreuses copies belges, hollandaises ou suisses passablement éloignées de la version originale par crainte de la censure ont peu d'intérêt pour les augustes académiciens.

Au sein même de l'Académie, des bigots opposés au projet de sortir l'Espagne de l'obscurantisme financent un truand fiable pour faire échouer la noble mission. Cela fournira à l'auteur de beaux prétextes pour nous présenter la vie à Paris tant chez les nobles que chez les gueux en mettant l'accent sur la diaspora espagnole. Le portrait de l'abbé Bringas, futur allié de Robespierre et de Saint-Just, est remarquable. 

Simulacre d'autofiction

Parallèlement, Pérez-Reverte feint de se livrer à l'exercice prétentieux de l'autofiction. Il nous raconte comment est né son roman, nous décrit ses recherches parmi les historiens et les antiquaires, ses séances d'épluchage de vieux documents, correspondances ou plans anciens, tout en décrivant quelques-uns de ses contemporains du monde des lettres madrilènes. Il s'appuie sur une réalité indéniable: la mission a bel et bien eu lieu, et l'Encyclopédie est toujours sur les rayons de la bibliothèque de l'Académie. 

Le simulacre d'autofiction n'est jamais ennuyeux: il enrichit même le récit en nous faisant saisir les ressorts de l'imagination d'un authentique auteur, ingrédient incontournable de tout roman digne de ce nom. 

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Deux hommes de bien. Arturo Pérez-Reverte. Seuil. 502 pages.