C'est aujourd'hui que le tandem formé du scénariste Jean-Yves Ferri et du dessinateur Didier Conrad sort son troisième Astérix repris des mains d'Albert Uderzo en 2013. Un album plus «familial» que le précédent, avec quelques perles et clins d'oeil sur l'actualité, mais en fin de compte desservi par un scénario hyper prévisible.

Tout laissait croire que Jean-Yves Ferri et Didier Conrad avaient trouvé leur erre d'aller. Après un premier album Astérix chez les Pictes dont plus personne aujourd'hui ne se souvient, le duo a frappé fort avec Le papyrus de César, qui abordait avec un humour mordant les thèmes des médias et des réseaux sociaux. Avec ce troisième opus, malgré un début d'album prometteur, on fait quelques pas en arrière.

Le tandem Ferri-Conrad a tout de même respecté le principe d'alternance en situant l'action des nouvelles aventures d'Astérix «à l'étranger», en l'occurrence en Italie.

La première planche donne le ton: un Italien brise une des roues de son char dans un nid-de-poule. Furieux, il accuse un sénateur (Lactus Bifidus) de financer ses orgies avec les fonds publics destinés à l'entretien des routes. Pour démontrer la qualité des «voies romaines», le sénateur sur la sellette organise une course de chars. Une idée saluée par César, qui suggère que la course soit tout de même remportée... par un Romain !

Comment ne pas penser à la course de Formule E dans une ville prise en otage par les cônes orange? Jean-Yves Ferri s'est-il inspiré de notre réalité montréalaise?

Toujours est-il qu'Astérix et Obélix décident de participer à cette course couverte par une meute de scribes. Ici, les journalistes en prennent pour leur grade... Vénètes, Étrusques, Ombriens, Osques, Goths, Belges, Normands et Gaulois, entre autres, s'affrontent donc dans cette course en cinq étapes qui traverse l'Italie du nord au sud, toile de fond de cette nouvelle aventure qui manquera vite de «gaz».

Quant au dessin, nous sommes dans l'univers graphique des créateurs d'origine, malgré des planches parfois visuellement surchargées.

Les clins d'oeil à la construction de Venise, à l'éruption (avortée) du Vésuve ou aux personnages Zerogluten et BetaKaroten - qui sont payés par César pour truquer la course - sont appréciables. Tout comme la présence de la Mona Lisa qui se fait faire le portrait ou la prémonition d'Obélix qui devine l'origine de la pizza: «Leurs galettes seraient meilleures s'ils ajoutaient une petite sauce», lance-t-il!

Plat et prévisible

Hormis ces très bons flashes et quelques jeux de mots qui font sourire, le scénario comporte bien peu de surprises et le dénouement est tristement prévisible.

Quant aux quelques rares rebondissements qui surviennent dans le récit de cette «olympiade» (déjà vu), dont le désistement de Coronavirus, coureur romain censé remporter la course, grâce aux nombreuses manoeuvres illégales financées par César, rappelant les tricheries des Jeux olympiques, par exemple, ils manquent de subtilité et tombent la plupart du temps à plat.

Ce qui soulève l'épineuse question de la suite de cette série-culte. Jean-Yves Ferri et Didier Conrad, qui ont réussi à gagner la confiance d'Albert Uderzo (qui fête ses 90 ans) et d'Anne Goscinny (fille du créateur René Goscinny, disparu il y a 40 ans), devraient-ils demeurer à la tête de cette franchise? Ou est-ce que la série devrait être confiée d'année en année à des bédéistes invités pour des one shots?

Les familles Uderzo et Goscinny voudront sans doute attendre de voir si les ventes seront au rendez-vous, ce qu'on peut déjà prévoir si on se fie aux ventes des deux premiers albums - écoulés à plus de 5 millions d'exemplaires dans le monde. Reste à voir la réaction des lecteurs et amateurs - nombreux et exigeants - de la série.

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Astérix et la Transitalique. Jean-Yves Ferri et Didier Conrad. Les éditions Albert René. 46 pages.