Quel livre a contribué à faire de vous une féministe ? C'est la question que nous avons posée à plusieurs féministes québécoises. Résultat : une belle sélection de titres qui viendront enrichir votre bibliothèque à la veille de la Journée internationale des femmes.

CARLA BEAUVAIS

Entrepreneure

We Should All Be Feminists

• Chimamanda Ngozi Adichie

• Anchor

« Après la conférence TED de Chimamanda Ngozi Adichie, j'ai décidé de lire son livre. Comme je suis nouvellement maman d'une fille, toute la partie sur l'éducation m'a interpellée. Elle décortique la façon dont on éduque les filles, les jeux de pouvoir, et ce, même au sein de la famille, dans des petits gestes quotidiens qu'on ne voit plus. Quand elle parle de sa famille au Nigeria, je vois des ressemblances avec la famille haïtienne. Avant, je ne me reconnaissais pas dans les luttes féministes du Québec. Depuis que j'ai lu ce livre, je suis capable de me dire féministe et de l'assumer. »

KENZA BENNIS

Coordonnatrice pour le Conseil des Montréalaises et auteure

L'amour en plus

• Elisabeth Badinter

• Flammarion

« J'ai lu ce livre lorsque j'étais jeune adolescente, je ne sais pas si j'ai tout compris à l'époque. Badinter y remet en question la notion d'instinct maternel naturel. Elle raconte qu'au XVIIsiècle, on confiait les bébés aux nourrices et qu'ensuite, on les envoyait au pensionnat. L'instinct maternel n'existait pas. J'avais autour de 12 ou 13 ans et ça m'avait frappée à quel point la pensée féministe pouvait être forte et subversive. Badinter remettait en question l'ordre établi. Cette lecture m'a ouvert les yeux. Je trouve que c'est un livre qui est toujours d'actualité. »

MARILYSE HAMELIN

Journaliste et auteure

Putain

• Nelly Arcan

• Seuil

« J'avais 21 ans, j'ai lu ce livre dans lequel je me suis reconnue, l'histoire d'une fille anxieuse comme on peut l'être à cet âge. C'était une lecture douloureuse, étouffante. Nelly Arcan mettait des mots sur ce que je ressentais. Elle parlait de l'éducation des filles, de cette volonté de nous mettre "à notre place". C'était une révolte, je l'ai reçu comme un gros magma. C'est une lecture qui laisse des traces. Quand je l'ai terminé, je me suis dit : là je viens de lire quelque chose qui a changé ma vie. »

AURÉLIE LANCTÔT

Candidate à la maîtrise en droit et chroniqueuse

Les femmes de droite

• Andrea Dworkin

• Éditions du remue-ménage

« En bonne milléniale, j'ai découvert les écrits féministes par l'entremise d'articles et des réseaux sociaux. Ma sensibilité féministe était déjà développée quand j'ai lu Les femmes de droite. Ce livre est venu la sceller. Ce livre-là m'a marquée, car il m'a aidée à comprendre ce qu'est le patriarcat, ses ravages, ses effets. Je me souviens être tombée dessus par hasard à 18-19 ans dans une librairie de livres usagés. C'est le titre d'abord qui m'avait frappée. Disons que c'est une rencontre frontale avec les théories féministes. Je l'ai lu avec une lentille naïve, pas dans le cadre d'un cours. »

JUDITH LUSSIER

Féministe et chroniqueuse

King Kong Théorie

• Virginie Despentes

• Grasset

« Ma réflexion féministe s'est plutôt faite sur l'internet et sur les réseaux sociaux qui, à leur tour, me dirigeaient vers des textes. Un jour, quelqu'un m'a recommandé King Kong Théorie de Virginie Despentes. Ce livre a mis des mots sur des réflexions que je me faisais. Quand j'ai fait ma maîtrise en sociologie en études féministes, j'ai réalisé que Despentes avait vulgarisé les théories matérialistes, qu'à partir de sa vision et de son expérience, c'est une réflexion qu'elle avait rendue populaire. Son livre est un manifeste sur l'autodéfense des femmes à travers la lutte des classes. C'est un livre que je recommande encore aujourd'hui. »

PASCALE NAVARRO

Auteure, journaliste, conférencière

Du côté des petites filles

• Elena Gianini Belotti

• Éditions des femmes

« Je devais avoir 13 ou 14 ans quand j'ai trouvé ce livre dans la bibliothèque de mes parents. Il m'a marquée, car il proposait une explication très vulgarisée de la socialisation, avec des études à l'appui. Il explique comment l'éducation est source de discrimination et d'inégalités entre les garçons et les filles, et ce, dès un très jeune âge. Il montre aussi comment les petites filles perçoivent très tôt les attentes qu'on a à leur endroit. Aujourd'hui, on appelle ça l'éducation genrée. J'ai souligné tellement de passages dans ce livre ! Il y a beaucoup de pistes là-dedans et il est encore d'actualité. »

MONIQUE SIMARD

Ex-présidente de la SODEC

Parole de femme

• Annie Leclerc

• Grasset

« Je m'étais éveillée au féminisme à 18, 19 ans. Ce livre-là m'a touchée, frappée. Il a mis fin à une certaine confusion. À l'époque où je l'ai lu, il y avait des tensions au sein du mouvement féministe. On se demandait si l'homme était l'ennemi. Et puis, ce livre venait nous dire : non, on est ce qu'on est et on peut dire ce qu'on veut. Ça m'a beaucoup aidée. Une dizaine d'années plus tard, j'ai rencontré Annie Leclerc et nous sommes restées amies jusqu'à sa mort. C'était une grande écrivaine et j'ai souvent recommandé son livre. »

CATHY WONG

Présidente du conseil municipal de Montréal

Les monologues du vagin

• Eve Ensler

• Denoël

« J'avais 19 ou 20 ans lorsque je l'ai lu. On ne parlait pas beaucoup de sexualité et de plaisir féminin au début des années 90. Ce livre venait réaffirmer de manière positive le fait d'être née avec un vagin, d'être une femme. C'est également un livre qui parle de solidarité, de violence, de vieillesse, d'excision. Il a déclenché chez moi une réflexion sur les réalités qui nous unissent. J'ai dû voir la pièce une dizaine de fois et j'ai offert le livre à plusieurs reprises. »