Voici un florilège de propos tenus dans différents médias par Patrick Modiano, Nobel 2014, sur sa jeunesse, l'écriture ou encore son goût pour les faits divers.

«J'écris ces pages (sur ma jeunesse) comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n'était pas la mienne. Il ne s'agit que d'une simple pellicule de faits et gestes.»

«Je n'ai rien à confesser, rien à élucider et je n'éprouve aucun goût pour l'introspection et les examens de conscience. Au contraire, plus les choses demeuraient obscures et mystérieuses, plus je leur portais de l'intérêt. Et même, j'essayais de trouver du mystère à ce qui n'en avait aucun.»

«Les trucs que j'écris, ce ne sont pas vraiment des romans, ce sont des segments, des trucs que j'ai pris, malaxés.»

«Il y a souvent de bons livres mais qui seraient plus intéressants si l'auteur n'avait pas plus de 25 ans.»

«Je connais à peu près tous les faits divers, depuis 1920 jusqu'à maintenant (...). Si on faisait une radiographie de mes romans, on verrait qu'ils contiennent des pans entiers de l'affaire Profumo ou de l'affaire Christine Keeler ou du rapt du fils Peugeot.»

«Il y a quelque chose de bancal dans l'autobiographie parce qu'on ne peut jamais vraiment se voir soi-même (...). Pour arriver à une plus grande justesse, il faut avoir recours à la fiction.»

«Je suis stupéfait d'entendre des écrivains raconter qu'ils écrivent de 8h à 12h et de 14h à 20h! Chez moi, c'est tellement pénible que l'effort ne peut durer qu'une heure ou deux.»

«Si je n'avais pas ça (l'écriture), je ne vois pas ce que ferais.»

«J'aimais alors (ndlr: jeune) me mêler aux gens. Je les observais comme derrière la vitre d'un aquarium. Je sentais déjà que je me servirai d'eux pour écrire.»

«J'ai toujours été obsédé par l'oubli de choses qui semblaient pourtant tellement importantes, oubli volontaire ou mensonge à soi-même.»

«J'avais donc 18 ans (...). J'avais besoin d'argent pour survivre. Ma mère, qui vivotait au théâtre, ne pouvait rien pour moi, et de manière très calme, sans aucune agressivité, j'avais demandé à mon père de m'aider et il avait aussitôt appelé la police, qui nous a embarqués tous les deux. C'est une impression très étrange que de se retrouver avec son père dans un panier à salade. Au commissariat, mon père m'a chargé et m'a traité de voyou. Après quoi les flics l'ont laissé repartir et m'ont gardé. Pas longtemps, mais ça a été un choc symbolique.»

«Ce qui m'attirait dans la médecine (ndlr: qu'il n'a finalement pas étudiée), c'était la précision. Je me disais que ça me forcerait à cesser de rêver et d'être nébuleux. Il faut trouver un point fixe pour que la vie cesse d'être un flottement perpétuel. Depuis mon plus jeune âge, je cherche une discipline pour sortir du marécage. Ce fut la langue française. Elle décrit très bien, je trouve, les états crépusculaires.»

«J'ai toujours pensé que ceux qui me lisent me connaissent mieux que je ne me comprends.»

«J'ai toujours eu le sentiment que ma nature profonde était la faculté au bonheur, mais qu'elle avait été détournée tout au long de ma vie par des circonstances extérieures. C'est le hasard qui m'a fait naître en 1945, qui m'a donné des origines troubles et m'a privé d'un entourage familial.»

«Moi, si j'étais né à la campagne, j'aurais été un écrivain paysagiste. Cela m'aurait suffi.»