L'une des nombreuses activités organisées pour les Rencontres québécoises en Haïti était une visite de Petit-Goâve, la ville où Dany Laferrière a passé son enfance, qui a accueilli l'écrivain en grande pompe dans le cadre de son 350e anniversaire. La Presse y était.

On le sait, Dany Laferrière est une figure très connue au Québec. Sa célébrité est encore plus grande en Haïti, où il est une véritable star. Il ne peut pas faire un pas sans être abordé, interrogé, photographié. Cette réalité a atteint un paroxysme lorsqu'il est retourné lundi dans la ville de son enfance, Petit-Goâve, immortalisée dans son oeuvre, notamment L'odeur du café. La ville de son inoubliable grand-mère, Da.

Les écrivains Joséphine Bacon, Laure Morali, Louise Dupré et André Roy, qui participaient à cette virée, ont pu constater sur place la fébrilité extrême qui s'était emparée de la place pour le retour de l'enfant prodigue. Des banderoles partout souhaitaient la bienvenue.

Comités d'accueil, discours, remise de la clé de la ville par la mairesse, annonce d'une bibliothèque Dany-Laferrière, et une fanfare bruyante qui suivait tous les déplacements de l'écrivain dans les multiples points où il était attendu.

À l'école

Le point culminant aura été le passage du Prix Médicis à son ancien lycée Faustin-Soulouque. Auparavant, il a voulu visiter une école pour enfants défavorisés qui lui ont littéralement sauté dessus pour l'embrasser. «Ils m'ont absorbé!» racontait-il, étonné.

Au lycée, des centaines d'élèves étaient rassemblés pour recevoir celui qu'ils ont surnommé «l'écrivain-roi», pour lequel ils avaient fabriqué une couronne en carton. Ce à quoi Dany Laferrière a gentiment répliqué: «J'ai voulu être le poète de Petit-Goâve. Je ne suis pas un roi, mais un poète.»

D'ailleurs, en questionnant quelques élèves pendant la cérémonie, on a pu constater que l'ambition est un sentiment très bien partagé dans la patrie de Laferrière. «Je veux être écrivain et encore meilleur que Dany Laferrière», nous a dit l'un d'eux. Ce qui a fait sourire le «roi». «Ils te donnent une couronne et après, ils te coupent la tête!»

Devant ces milliers d'yeux attentifs, il a raconté le choix fondamental de l'écriture dans l'exil. «J'ai connu la détresse des chambres d'hôtel. J'ai connu la joie aussi. Mes premiers lecteurs ont été des Québécois. J'ai failli tomber dans le piège de la célébrité. J'ai été sauvé par une petite pépite au fond de ma poche: Da et Petit-Goâve. En écrivant, je voulais revoir ma grand-mère. Je voulais revoir Petit-Goâve.» Pour ces jeunes qui rêvent souvent de fuir leur pays, c'est une déclaration importante à retenir.

Il faut passer par Petit-Goâve pour comprendre ce que voulait dire Dany par «le charme des après-midi sans fin». Jolie petite ville colorée où l'on imagine très bien l'enchantement préservé de l'enfance. Dany a mené ses invités à la maison de sa grand-mère Da. Montré les coins où elle passait ses journées. Raconté par quel raccourci il fuyait la correction quand il avait fait une bévue. «Passé 16h, je pouvais revenir. Tout est oublié passé 16h.»

La maison, vert et orange, intacte, sert aujourd'hui d'entrepôt, mais contient tout le mystère des origines. Da est morte, mais existe pour toujours dans les livres de son petit-fils.

En retournant à Port-au-Prince, nous avons eu droit à une explication hilarante de la rivalité entre Petit-Goâve et Grand-Goâve. Une vieille histoire. Un camion de Petit-Goâve se serait renversé à Grand-Goâve, où l'on aurait volé les sacs de farine. Depuis ce temps, on les traite de «voleurs de farine». Rivalité exacerbée lorsque le grand prix de la loterie nationale a une fois été gagné à Grand-Goâve, ce qui a poussé les habitants de Petit-Goâve à aller insulter la statue de la Vierge!

Dany ne pouvait pas se priver de la boutade. En passant par Grand-Goâve, il a ouvert la fenêtre du bus et crié, pour rigoler: «Voleurs de farine! Vous n'avez même pas d'écrivain!»