Kathy Reichs, Claude Jasmin, Marc Levy, Yves Beauchemin... Ce sont quelques-uns des auteurs qui ont répondu à l'appel de la journaliste Florence Meney qui nous offre ces jours-ci un livre illustré sur Montréal et sa force créatrice.

«Il a fallu que j'apprenne à aimer cette ville», avoue d'entrée de jeu la femme de lettres originaire de Lyon, parachutée à Montréal il y a une dizaine d'années. «Montréal n'est pas une ville comme Paris ou Rome, où l'on peut facilement avoir une vue d'ensemble. C'est au contraire une ville où il faut vivre au quotidien pendant un certain temps, et l'amour y vient graduellement. Les amours durables, c'est toujours comme ça!» s'exclame-t-elle en riant.

C'est dans le cadre de son travail de journaliste à Radio-Canada que Florence Meney fait la rencontre de plusieurs auteurs d'ici et d'ailleurs. «C'était étonnant de voir à quel point Montréal est un thème récurrent chez les auteurs. Je me suis dit qu'il fallait explorer cet attachement et montrer comment Montréal est une force d'inspiration sur différents plans et de différentes façons.»

Le résultat? Un magnifique ouvrage qui propose une vingtaine de portraits d'auteurs et tout autant de portraits inusités de la ville, ouvrage agrémenté de capsules historiques par le concours d'Héritage Montréal et illustré par le photographe Luc Lavigne. Les doubles portraits, classés en quatre sections distinctes, y forment habilement une vision kaléidoscopique d'une ville qui refuse la catégorisation.

«Ce livre est né d'une volonté de parler de littérature au plus grand nombre possible de lecteurs, poursuit Meney, d'où le choix de Bryan Perro, par exemple, que mon fils de 11 ans m'a suggéré, ou encore d'Anne Robillard. Je ne voulais pas que ce livre se limite à des gens qui sont déjà acquis à la lecture et à Montréal, comme par exemple Michel Tremblay et Suzanne Jacob. Je voulais qu'ils y soient, certes, mais que le regard soit plus éclaté.» On y retrouve donc aussi des auteurs étrangers, comme Philippe Besson, qui ne sont venus à Montréal que quelques fois, mais dont l'aventure a une valeur. «Je cherchais le choc entre le regard de l'intérieur et celui de l'extérieur.»

L'étrange et l'étranger

Claude Jasmin, visiblement enchanté d'avoir participé au projet, a curieusement choisi de parler du Quartier chinois. «Au départ, je me disais que j'allais aller sur les lieux de mon enfance, mais je me suis rapidement dit: «Ça va faire, la Petite Patrie, on en a assez parlé!» Je dois avouer que j'étais quand même heureux de voir que Jean-François Chassay avait choisi le marché Jean-Talon, admet-il en riant. Choisir de parler du Quartier chinois me donnait l'occasion de parler de ma relation avec mon père, relation dont je parle dans mon livre Chinoiseries. J'aimais aussi l'idée de parler du fait qu'à Montréal, on peut facilement se retrouver à l'étranger.»

«Dans mon quartier, ce n'était pas tellement plus homogène, poursuit-il. Il y avait la paroisse italienne où j'allais en cachette à la messe pour entendre de l'italien. Je trouvais cette langue tellement belle. Il y avait aussi des Irlandais. D'ailleurs, ma mère avait bien peur qu'on se lie avec les Irlandaises parce qu'elle s'imaginait qu'elles étaient toutes protestantes. Finalement, il s'est avéré que c'était des catholiques», s'esclaffe-t-il.

Si plusieurs auteurs abordent Montréal comme un lieu de passage, de mouvance, Jasmin la traite comme un étrange alter ego qui aurait grandi avec lui. «Je suis plus montréalais que québécois. J'essaie depuis au moins 20 ans d'écrire «le» roman montréalais et je n'y arrive pas! Or, je crois que ce livre parviendra à créer plusieurs échos. Par exemple, j'étais ému en lisant Perro parler du Da Giovanni de la rue Sainte-Catherine. On fait, à travers ce livre, plusieurs découvertes tant géographiques qu'humaines.»

Cette humanité qui transparaît de l'oeuvre réjouit l'instigatrice. «Avec ce livre, je voulais montrer que la lecture et l'écriture ne sont pas que cérébrales. Au contraire, je voulais démontrer que la littérature est composée de petites choses de la vie simplement incarnées dans des lieux...»

Montréal à l'encre de tes lieux

dirigé par Florence Meney et Luc Lavigne Québec Amérique, 320 pages, 29,95$

**** 1/2