Lentement mais sûrement, la poussière commence à retomber près de 15 mois après l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur la sécurité privée. Rappelons-le, en juillet 2010, sa mise en application avait suscité quelque peu la grogne dans l'industrie de la sécurité québécoise, plusieurs agences se plaignant du manque de communication concernant les nouvelles règles, faisant même craindre à certaines d'entre elles une pénurie de personnel.

Leur inquiétude était compréhensible. Après tout, la nouvelle loi venait assujettir les quelque 40 000 travailleurs à des règles nettement plus strictes que les précédentes, vieilles de 50 ans. Ainsi, pour pratiquer, tous les agents de sécurité doivent maintenant obtenir un permis auprès du Bureau de la sécurité privée l'organisme créé pour contrôler l'application de la loi et suivre une formation de 70 à 135 heures.

La nouvelle loi scinde aussi en six secteurs distincts les activités des entreprises oeuvrant dans ce domaine: le gardiennage, l'enquête, la serrurerie, les systèmes électroniques de sécurité, le convoyage de biens de valeur ainsi que le service-conseil en sécurité.

Si l'industrie a réagi en regard de ses intérêts, on a peu parlé, pourtant, de l'impact que pourrait avoir la nouvelle législation sur les droits des personnes et des employés en particulier. En fait, s'en préoccupe-t-elle? La réponse est oui... et non.

Du général au particulier...

Oui, parce qu'en encadrant mieux l'industrie des services de sécurité publique, Québec vise à renforcer la sécurité du public. En imposant aux agents ou autres travailleurs de l'industrie des règles générales de bonne conduite dans le cadre de leur travail, et en les obligeant à suivre de la formation continue, on s'assure d'un minimum de compétence et, souhaitons-le, d'un peu de sens éthique. Ainsi, est-il écrit dans la loi, dans l'exercice de ses fonctions, un agent ne doit pas blasphémer, tenir des propos injurieux, faire un usage excessif de la force...

«En étant mieux formés, on peut s'attendre à ce que les agents soient plus sensibles aux droits des personnes», dit Daniel Leduc, avocat, associé au cabinet Norton Rose, à Montréal. Me Leduc conseille des employeurs en matière de relations de travail.

Non, parce que les règles de la loi sont générales alors que les droits des employés se vérifient dans les cas particuliers. Dans des situations précises, les tribunaux devront toujours trancher, nouvelle loi ou pas. Par exemple, une entreprise peut-elle faire suivre un employé malade parce qu'elle le soupçonne d'avoir menti sur son état de santé? La nouvelle loi ne dit rien sur ce sujet et ce n'est parce qu'un enquêteur est mieux formé qu'il pourrait le faire plus qu'avant.

«Ça dépend du contexte et de la situation», dit Me Leduc.

La jurisprudence

À ce sujet, il est intéressant de vérifier ce que la jurisprudence à nous dire. Le 30 avril dernier, un tribunal d'arbitrage a donné raison à Rio Tinto Alcan, qui avait arrêté de verser des prestations d'assurance invalidité à un travailleur parce qu'elle le soupçonnait, durant son congé de maladie, de faire des travaux de rénovation à son compte. Rio Tinto l'avait fait suivre en filature. En avait-elle le droit? Oui a conclu l'arbitre, parce que l'entreprise avait des motifs raisonnables de le faire. Non seulement l'employé s'était absenté plus de 50% du temps l'année précédente, mais il avait enregistré une compagnie de rénovation deux mois avant son congé de maladie!