L'extraordinaire poursuite d'un rêve par un ado rebelle et talentueux. Une suggestion de Marc Dutil, président du Groupe Manac et président fondateur de l'École d'entrepreneurship de Beauce.

A'shop

> Fondation: 2009

> Président fondateur: Fluke

> Nombre d'employés permanents: 6

> Artistes sous-traitants: de 10 à 20, selon la saison

Rebelle? Fluke confirme.

«Une partie de ma carrière s'est faite dans l'illégalité, alors, oui, j'ai été assez rebelle.»

Fluke est le président d'A'Shop, firme montréalaise spécialisée dans les murales.

L'homme d'affaires de 30 ans n'a pas étudié à HEC Montréal. «Non, monsieur. Tout de suite après le secondaire, j'ai commencé à faire des frites et des burgers. J'ai essayé de faire le cégep en beaux-arts - une semaine.»

«J'ai vécu des moments un peu plus difficiles, où j'étais près d'être sans-abri, poursuit-il. Puis j'ai décidé de me consacrer à mon art.»

Peu à peu, le graffiteur urbain s'est transformé en muraliste.

Mais l'artiste aurait aussi voulu être businessman.

«Fin 90, quand j'étais très actif, il n'y avait aucune chance pour un artiste ou graffiteur d'en faire une business. L'art urbain, le muralisme n'étaient pas à la mode et personne ne payait pour ça.»

Il possédait toutefois un autre talent: l'art de vendre. «J'ai réussi à faire des petites murales, des chambres d'enfants, etc. Mais ce n'était pas le cas pour mes collègues. Ils avaient de la difficulté à se représenter. Et puis il y avait un préjugé, dans le milieu: tu paies une caisse de bières et un sandwich à un graffiteur et il va te faire une belle job.»

À mesure qu'il multipliait les contrats, il engageait un ou deux amis pour lui donner un coup de main. Jusqu'à fonder une entreprise en bonne et due forme.

Du sérieux. Du solide.

À la shop

A'shop (comme À la shop) a été fondée il y a cinq ans. Son siège social - car c'en est un - compte deux étages. «On a une pleine administration, avec un service de comptabilité, un service de vente», explique Fluke avec fierté.

L'entreprise a six employés, plus une vingtaine de sous-traitants engagés selon les contrats. «C'est en moyenne 10 artistes qu'on réussit à nourrir à longueur d'année.»

L'immeuble comporte un atelier que les artistes sous-traitants sont invités à utiliser pour leurs travaux personnels. «Quand on a du boulot, c'est un peu comme Ghostbuster: on appelle et on dit: les gars, on a une job.»

A'shop fait des murales extérieures ou intérieures, des décors, des événements spéciaux, de l'art sur mesure.

Parmi ses clients: la maison Simons, le Cirque du Soleil, Absolute Vodka.

Les premiers pas n'ont pas été faciles. Il fallait convaincre de la valeur de la démarche et du sérieux de l'entreprise. «On n'a pas toujours été accueillis à bras ouverts. Mais je pense que les gens sont extrêmement étonnés, quand ils nous rencontrent, de voir à quel point on est organisés, sérieux et professionnels.»

Une autre oeuvre

Fluke a participé à toutes les premières oeuvres d'A'Shop. Il se consacre maintenant à l'entreprise. Il ne le regrette pas. «Je considère que A'Shop est mon oeuvre aujourd'hui. J'ai remplacé le même bonheur que j'avais à peindre une murale par la satisfaction de voir tous les projets qu'on peut réaliser dans une année.

«J'essaie de grandir en tant qu'entrepreneur et je pense que j'en ai beaucoup encore à apprendre.» Il étudie d'ailleurs à l'École d'entrepreneurship de Beauce.

L'École l'avait engagé pour faire une performance de peinture en direct à l'occasion d'une campagne de financement. «Je suis allé avec mes salopettes remplies de peinture et j'ai eu la chance de rencontrer une personne qui a cru en moi, qui a vu un potentiel.»

Sur la scène internationale

«Ce qu'on fait ici est très innovateur. Il n'y a personne d'autre au Canada. Je n'en connais pas beaucoup aux États-Unis, et encore moins en Europe.»

Des artistes de l'étranger, souvent français, viennent travailler avec lui. «On a eu des gens de Marseille, de Lyon, de Grenoble. Ils me disent qu'ils ne pourraient jamais faire ça en France. Socialement, ce n'est pas accepté comme au Québec.»

Il aimerait exporter son modèle.

«Pour l'instant, la vision ressemble à celle d'une franchise. On a un modèle d'affaires unique au monde, par rapport au milieu des arts. On a une façon de travailler différente, qui n'existe pas dans ce milieu. On aimerait la raffiner à Montréal, pour la dupliquer ensuite à travers le monde. On va à Dubaï, on rassemble les 20 meilleurs artistes de la rue de l'endroit et on crée un A'Shop sur place.»

Des discussions sont en cours pour un premier pas à Toronto, l'an prochain.

Une oeuvre en développement.