Les professionnels qui traduisent vos films et vos séries favoris sont-ils au Québec ou en France? Les traducteurs québécois utilisent-ils autant d'expressions locales que leurs collègues français? Doivent-ils réellement traduire mot à mot? Portrait d'une industrie méconnue.

Deux mondes

Au Québec, seulement quelques personnes sont spécialisées en traduction pour la télévision et le cinéma. Un domaine scindé en deux catégories: celui du doublage et celui du sous-titrage. «Traduire les mots que diront les acteurs en postsynchronisation demande une formation très particulière qu'on ne peut apprendre sur le tas, souligne Hugo Vandal-Sirois, traducteur agréé. Le sous-titrage, lui, est souvent effectué par des étudiants en traduction. Ça paraît bien sur un CV de dire qu'on a sous-titré un film ou Family Guy, mais la paie est tellement ridicule que ce n'est pas intéressant pour les professionnels.» Au lieu de payer au mot, les employeurs paient souvent à la ligne.

Deux règles de base

Première règle: maintenir l'illusion que l'acteur original parle français. «Même si sa bouche bouge différemment pour l'anglais, on doit tenter de faire croire qu'il s'agit de dialogues originaux en français», explique Luise Von Flotow, directrice de l'École de traduction de l'Université d'Ottawa.

Deuxième règle (non écrite): ne pas traduire chaque mot dans la langue de Molière. «Les syntaxes anglaise et française sont très différentes, tout comme nos métaphores et nos expressions fortes, note-t-elle. Le mot à mot ne fonctionnerait jamais.»

Particularité du sous-titrage

Puisque les acteurs parlent plus rapidement que la vitesse de lecture du public, les traducteurs doivent résumer l'idée générale pour ne pas tuer le rythme. De plus, le nombre de mots est restreint par la largeur des écrans. «On peut mettre deux lignes par écran et en moyenne 35 caractères par ligne, incluant les lettres, la ponctuation et les espaces. Le public a besoin de six secondes pour lire 38 caractères. Il faut donc couper et résumer pour que les gens puissent tout lire. On laisse tomber les jurons, les mots forts ou scatologiques: semble-t-il que c'est plus choquant de lire ces mots que de les entendre», dit Luise Von Flotow.

Plus de latitude en publicité

En publicité, les traducteurs ont plus de latitude pour adapter un message. «Ma seule préoccupation est de vendre, affirme M. Vandal-Sirois, spécialisé en traduction publicitaire. J'oublie les mots en anglais pour me concentrer sur l'image et la façon dont je la communiquerais dans ma langue maternelle. C'est un travail qui se rapproche davantage des créateurs en agence.»

Le professionnel peut donc faire des suggestions à l'occasion. «Dans une campagne pour un VTT écrite en Arizona, où l'on vante l'efficacité du moteur quand il fait plus de 35 degrés, je dois expliquer que les Québécois ne sont pas dans la même situation et qu'on devrait vanter un autre élément. Il faut absolument connaître le produit avant la rédaction.»

Français ou québécois?

La somme de travail des acteurs québécois en postsynchronisation ne cesse de diminuer depuis quelques années au profit des acteurs de doublage en Europe. «Plusieurs distributeurs américains ne veulent pas payer pour un doublage français et un québécois, rappelle Mme Von Flotow.

Et c'est impossible d'utiliser les traductions québécoises en France, en raison d'un décret datant de plusieurs décennies.

De nombreux traducteurs québécois en audiovisuel vont donc travailler là-bas pour avoir plus de travail. Nos traductions québécoises peuvent être exportées en Afrique francophone, mais elles s'exportent très peu en Europe. C'est très problématique.» Pourtant, les langagiers québécois font tout pour traduire en français international, contrairement aux Français qui utilisent plusieurs expressions très franco-françaises.

Autre réalité en publicité

Une réalité relativement moins présente en traduction publicitaire et audiovisuelle. «Certains clients m'engagent pour traduire des pubs de France en québécois, alors que d'autres exigent le français standard, dit Hugo Vandal-Sirois. La télévision et le cinéma sont des oeuvres artistiques, alors que la première fonction de la publicité est de vendre. Quand je traduis, je prends la parole au nom de l'entreprise et je dois respecter son image de marque, au lieu d'intégrer à tout prix des expressions locales et colorées. Je garde un niveau de langage qui correspond aux clients.»

PHOTO PATRICK WOODBURY, LE DROIT

La directrice de l'École de traduction de l'Université d'Ottawa, Luise Von Flotow, soutient que la première règle à respecter lorsque l'on traduit pour la télévision et le cinéma est de maintenir l'illusion que l'acteur original parle français.

Deux règles de base

Première règle: maintenir l'illusion que l'acteur original parle français. «Même si sa bouche bouge différemment pour l'anglais, on doit tenter de faire croire qu'il s'agit de dialogues originaux en français», explique Luise Von Flotow, directrice de l'École de traduction de l'Université d'Ottawa.

Deuxième règle (non écrite): ne pas traduire chaque mot dans la langue de Molière. «Les syntaxes anglaise et française sont très différentes, tout comme nos métaphores et nos expressions fortes, note-t-elle. Le mot à mot ne fonctionnerait jamais.»

Particularité du sous-titrage

Puisque les acteurs parlent plus rapidement que la vitesse de lecture du public, les traducteurs doivent résumer l'idée générale pour ne pas tuer le rythme. De plus, le nombre de mots est restreint par la largeur des écrans. «On peut mettre deux lignes par écran et en moyenne 35 caractères par ligne, incluant les lettres, la ponctuation et les espaces. Le public a besoin de six secondes pour lire 38 caractères. Il faut donc couper et résumer pour que les gens puissent tout lire. On laisse tomber les jurons, les mots forts ou scatologiques: semble-t-il que c'est plus choquant de lire ces mots que de les entendre», dit Luise Von Flotow.