Pour investir dans les fonds communs, il faut d'abord épargner. À l'occasion du 165e anniversaire de la Banque Laurentienne, une économiste et un historien font un rapide survol de l'épargne de retraite depuis un siècle et demi.

En 1840-1850, la notion de retraite était encore inconnue. «L'espérance de vie des Québécois était d'environ 40 ans», observe Marie-Claude Guillotte, économiste à Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

On travaillait souvent jusqu'à la fin de ses jours. Les ouvriers devenus physiquement inaptes au travail manuel étaient pris en charge par leur famille.

«Les modes d'épargne n'existaient pas comme tel et les gens n'avaient pas de revenus suffisants pour épargner», rappelle-t-elle.

En effet, c'est vers le milieu du XIXe siècle que commence à surgir une préoccupation pour la prévoyance et l'épargne, précise Martin Petitclerc, professeur au département d'histoire de l'UQAM.

Les banques d'affaires, majoritairement - mais pas uniquement - anglophones, s'adressaient avant tout aux hommes d'affaires, aux marchands et à la bourgeoisie.

Assurance

«L'épargne individuelle dans le milieu ouvrier se faisait surtout avec l'assurance, ce qui est tout à fait compréhensible, car il faut épargner pendant plusieurs années pour accumuler un capital suffisant en cas de maladie ou pour la vieillesse», explique-t-il.

Les ouvriers formaient une petite association de quartier, mettaient de l'argent en commun et procuraient aux participants une forme d'assurance mutuelle en cas de décès ou de maladie.

Néanmoins, la Banque d'Épargne, concentrée à Montréal, a ouvert en 1893 quelque 50 000 comptes et affiche un actif de 9,3 millions de dollars, ce qui correspond à environ 185$ par compte.

Alphonse Desjardins reprend le flambeau de l'épargne ailleurs en province en fondant en 1900 le mouvement coopératif qui portera son nom. «Les caisses populaires Desjardins constituent une tentative d'encourager l'épargne, ce qui témoigne qu'elle était très difficile pour le Québécois moyen», décrit l'historien.

En fait, les ouvriers auront énormément de difficulté à épargner jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Ils n'ont accumulé aucune épargne pour les aider à traverser la crise économique de 1929.

C'est d'ailleurs durant les années de crise que se développe une réflexion sur la sécurité sociale. «On se rend bien compte que les salariés sont incapables d'accumuler une épargne pour ne serait-ce que penser à une retraite», poursuit Martin Petitclerc.

À la sortie de la conflagration mondiale, la hausse des salaires autorise enfin l'épargne individuelle et la retraite apparaît autrement que comme la courte période qui sépare l'incapacité à travailler et la mort.

Épargne enregistrée

Pour inciter les travailleurs autonomes à épargner pour la retraite, le gouvernement canadien a institué en 1957 le Régime enregistré d'épargne-retraite, mieux connu sous l'imprononçable acronyme REER. Il est étendu à l'ensemble de la population active en 1970.

«Le pourcentage de la population active cotisant à un REER, presque nul en 1969, est actuellement d'environ 38%», indique Marie-Claude Guillotte.

Pourtant, environ un million de travailleurs québécois n'ont aucune épargne-retraite, hormis les régimes publics, remarque-t-elle.

Elle rappelle qu'au cours des dernières années, les diverses formes de contribution à l'épargne retraite (régimes d'employeur, RRQ, REER) représentent 15% de la rémunération globale des travailleurs. En 1966, cette part atteignait à peine 5%.

Depuis lors, l'épargne personnelle n'a cessé de diminuer, pour être à présent pratiquement nulle.

En fait, c'est l'endettement, et notamment les dettes de consommation, qui a pris cette place délaissée.

C'est une autre inquiétude.

QUELQUES DATES

> En 1887, la Loi sur les sociétés de caisse de retraite est la première à encourager la création de régimes de retraite. Mais au tournant du XXe siècle, seuls les employés du gouvernement fédéral, des compagnies de chemins de fer et de certaines banques ont accès à un régime de retraite d'employeur.

> En 1908, La Loi relative aux Rentes sur l'État de 1908 offre aux Canadiens la possibilité d'acheter une rente, garantie et administrée par le gouvernement. Sa popularité est toutefois très limitée.

> Ce n'est qu'en 1927 qu'est institué le premier régime public relatif à la retraite. La Loi des pensions de vieillesse du Canada accorde alors une pension maximale de 240$ par année aux personnes de 70 ans et plus dont le revenu annuel total n'excède pas 365$. Elle est remplacée en 1952 par le programme de la Sécurité de la vieillesse, toujours en vigueur.

> En 1948, la Loi provinciale sur les pensions aux employés de compagnie instaure les premières règles relatives aux régimes complémentaires de retraite. L'âge normal de la retraite était alors fixé à 70 ans.

> Le Régime de pension du Canada et son pendant québécois, le Régime de rentes du Québec, entrent en vigueur en 1966, pour obliger tous les travailleurs et leurs employeurs à contribuer à un régime public de retraite.