Les papetières ont longtemps été les seules à valoriser la biomasse forestière comme source d'énergie. Mais plusieurs entreprises québécoises tentent désormais d'exploiter ce filon qui dort dans nos forêts. Leurs procédés et leurs innovations contribuent à diversifier l'utilisation des résidus forestiers comme énergies renouvelables.

Vers une bioraffinerie à La Tuque

L'institut de recherche-développement FPInnovations et BioÉnergie La Tuque (BELT) s'apprêtent à évaluer la faisabilité technique et économique d'une bioraffinerie à La Tuque. L'usine produirait du biocarburant à partir de résidus forestiers collectés en Haute-Mauricie. Cette infrastructure nécessiterait 700 millions en investissements « pour produire 200 millions de litres de biodiesel et remplacer ainsi 4 % des carburants utilisés au Québec », précise Patrice Mangin, directeur général de BELT.

Mais avant de construire cette bioraffinerie, d'ici à 2023, les deux partenaires doivent valider leur solution. « Les technologies existent, mais la difficulté est de parvenir à les associer efficacement », souligne M. Mangin.

Norforce vise le marché minier

Depuis deux ans, Norforce Énergie utilise du bois local pour chauffer l'air envoyé dans la mine d'or Casa Berardi, située à mi-chemin entre Rouyn-Noranda et la Baie-James. Cet air chaud est envoyé dans les profondeurs de la mine pour permettre aux employés de travailler, et pour éviter le gel des canalisations. L'entreprise de La Sarre a équipé progressivement la mine de sept générateurs d'une puissance totale de 3,5 à 4,2 MW, alimentés par le bois des forêts abitibiennes. « L'Abitibi est une mine de résidus forestiers qui peuvent remplacer avantageusement le propane largement utilisé dans les mines », croit Christian Léveillé, directeur général de Norforce Énergie.

Financer le chauffage dans le Nord

Le Fonds Biomasse Énergie de Fondaction pourrait soutenir un projet de chaufferie dans une communauté du Nord-du-Québec non desservie par Hydro-Québec. L'utilisation de biomasse permettrait d'éviter d'émettre 700 tonnes de CO2 sur ce site, que n'a pas souhaité dévoiler Claire Bisson, chef adjointe à l'investissement chez Fondaction. Ce projet nécessiterait un investissement de 1,2 million de dollars. Un des défis principaux sera de préserver la qualité de la biomasse dans un centre de conditionnement optimal. « Il faut bâtir une masse critique de projets pour démontrer l'efficacité et la fiabilité de cette filière », affirme Mme Bisson.

Du bois pour sécher le maïs

La firme beloTEQ, qu'Alexandre Belleau a fondée avec ses deux oncles, implante depuis 2010 des équipements de chauffage à la biomasse. Dans la banlieue nord de Montréal, beloTEQ a remplacé un système de séchage du maïs, alimenté au propane, par une fournaise consommant des résidus de bois sans valeur commerciale, que le fermier de Les Fermes du Ruisseau-Mirabel ramasse lui-même sur ses terres. Cette fournaise à air chaud consomme 300 tonnes de bois au lieu des 200 000 L de propane nécessaires auparavant. « On remplace 100 % du propane et on génère des économies substantielles pour l'agriculteur », se félicite M. Belleau.

Quand la scierie se chauffe au bois

La coopérative forestière Petit Paris de Saint-Ludger-de-Milot, au Saguenay, vient de moderniser son procédé de séchage du bois d'oeuvre. L'équipement consommant du mazout lourd a été remplacé par un autre utilisant la biomasse forestière, essentiellement des résidus impropres au sciage. « La capacité de séchage a augmenté de 20 %, et on évite l'émission de 3000 tonnes de CO2 par année », précise Claire Bisson, chef adjointe à l'investissement chez Fondaction, dont le Fonds Biomasse Énergie a investi 1 million de dollars dans le projet lancé en février dernier.