L'industrie et les groupes environnementaux ont des missions fort différentes, mais ils se rejoignent parfois sur certains points. Pratiquement toujours à couteaux tirés auparavant, ils arrivent de plus en plus à travailler ensemble.

«Travailler avec les groupes verts, c'est un peu comme un mariage. Des fois ça va bien, des fois ça va mal!» s'exclame Guy Boucher, vice-président développement durable chez Domtar.

Il indique toutefois que ces relations ne s'établissent pas en une journée.

«Un respect mutuel doit se bâtir. On doit comprendre le plan d'affaires de l'autre. Parce que c'est bien évident que nous, on veut une industrie durable et eux aussi, alors il y a moyen de se rejoindre. Mais il faut trouver de bons partenaires. Ça prend une certaine chimie», explique M.Boucher en précisant que Domtar travaille par exemple avec World Wildlife Fund (WWF) depuis environ huit ans.

Garder son indépendance

Mais une fois qu'une organisation environnementale travaille avec une entreprise, doit-elle par la suite faire attention à ce qu'elle dit pour ne pas la froisser?

«On ne peut pas faire attention à ce qu'on dit, ou s'autocensurer, parce que ça nuirait à notre crédibilité. Ce qu'on peut faire par contre, c'est expliquer à l'entreprise ce qu'on fait et pourquoi on le fait pour éviter qu'elle se sente attaquée personnellement», indique Karel Mayrand, directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki.

Il donne l'exemple de Desjardins, avec qui la Fondation a lancé dernièrement un guide pour aider les PME à mesurer, gérer et diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre.

«Pratiquement tous les fonds investissent dans le secteur de l'énergie, où on retrouve l'industrie des sables bitumineux, parce que c'est là qu'est la croissance boursière. Desjardins ne fait pas exception. On sait qu'il y a des moyens de diminuer notre dépendance au pétrole à moyen et long terme, mais dans l'immédiat, on ne peut pas demander à Desjardins de se retirer du secteur parce que ça ne servirait pas ses membres. Il n'y a pas une entreprise de parfaite et on accepte de travailler avec elles, mais on se doit de conserver notre liberté de parole.»

À l'Initiative boréale canadienne (IBC), on partage la même logique. Suzanne Méthot, directrice régionale pour le Québec, donne l'exemple de Suncor, une entreprise très active dans le domaine des sables bitumineux en Alberta, qui est signataire de la Convention pour la conservation de la forêt boréale.

«On a trois options, précise-t-elle. Ou on les dénonce, ou on les laisse faire, ou on s'assoit avec eux en acceptant qu'on n'est pas capable de stopper maintenant l'exploitation des sables bitumineux, mais qu'on peut travailler ensemble à limiter les impacts. Je crois que c'est comme ça qu'on aura plus de changements à court terme.»

Des intérêts pour l'industrie

Si les groupes environnementaux peuvent maintenant travailler avec l'industrie, c'est parce que bien des entreprises se sont ouvertes aux pratiques plus durables.

Par exemple, chez Domtar et Tembec, deux signataires de la Convention pour la conservation de la forêt boréale, on est allé chercher la certification rigoureuse FSC pour les activités de gestion de la forêt.

Pourquoi?

«C'est beaucoup pour une question de confiance du client, indique Guy Boucher. À la fin des années 90, il y a eu une vague de non-confiance envers l'industrie et nous avons décidé d'agir.»

«Nous avons à coeur la préservation de l'environnement. Aussi, c'est une question de l'avenir des forêts, parce que Tembec veut être là pour rester. Il y a aussi le marché. Dans la concurrence mondiale, la certification FSC est un atout», croit Michel Lessard, vice-président à la gestion des ressources forestières chez Tembec.

Chez Bâtirente, le système de retraite des membres des syndicats affiliés à la CSN, on conseille d'ailleurs aux entreprises d'avoir un bon dialogue avec les groupes environnementaux.

«Sinon, ils peuvent lancer de grandes campagnes de dénonciation et ça peut avoir beaucoup de poids. C'est un risque pour les investisseurs», affirme François Meloche, gestionnaire des risques extra-financiers chez Bâtirente.