Le patron des Excavations ABC vient d'acheter une nouvelle excavatrice. Un peu léger d'argent, il passe la facture sur la marge de crédit de l'entreprise. Et hop, la nouvelle excavatrice pourrait bien devenir la fossoyeuse de l'entreprise.

«Jamais, au grand jamais, ne se servir d'un emprunt à court terme pour payer un bien utile au long terme!», supplie Jean Gagnon, CA et associé chez Raymond Chabot Grant Thornton (M. Gagnon est l'homonyme de notre collaborateur Jean Gagnon).

«Les prêts à court terme servent à payer l'achat de biens qui se consommeront rapidement, comme les achats de matière première. Ces dernières se transforment vite en produits finis qu'on vend et qui servent à remettre la marge à zéro. Le principe premier est: prêts à court terme pour financer le court terme et prêts à long terme pour financer le long terme.»

Pour le court terme, Jean Gagnon signale qu'on peut utiliser ses comptes clients pour obtenir une marge de crédit d'un an qui vaudra autour de 75% de la valeur des recevables. «Il se trouve aussi des institutions qui vous achèteront vos comptes clients pour environ 85% de leur valeur.»

Les inventaires servent aussi de garantie sur le court terme. M. Gagnon signale une chaîne de détaillants de produits électroniques qui garde un prêt à court terme sur ses inventaires. Le prêteur se fait remettre le décompte physique des inventaires mensuellement et ajuste la marge en conséquence, à 75% de la valeur des biens.

Endettement à long terme

«L'endettement à long terme est un mariage entre le prêteur et l'emprunteur, résume Jean Gagnon. Le créancier voudra donc des garanties en béton et scrutera vos livres à la loupe.» L'obsession principale du prêteur est donc de savoir si vos activités ordinaires génèrent suffisamment de liquidités pour rembourser l'excavatrice sur les cinq prochaines années. C'est justement pour mesurer la capacité de l'entreprise de vivre longtemps que le créancier potentiel calculera tous les indices financiers de sa santé: le rapport dette/capitaux propres, les recevables, le fonds de roulement, etc.

On peut obtenir un prêt équivalant à 80 et même 100% de la valeur d'un bien à long terme (immobilier, équipement) chez des prêteurs comme Investissement Québec ou la BDC, toujours selon M. Gagnon. «Il y a aussi des gens comme GE Capital qui vont acheter le bien à long terme et vous le louer. Et certains fournisseurs de biens à long terme vont se garder une réserve de propriété: ils restent propriétaires du bien tant qu'il n'est pas totalement remboursé.»

Pour finir, le prêt à long terme sans garantie. Le prêteur est bien sûr décidé à vivre avec le risque, mais n'a pas pour autant laissé son cerveau au vestiaire. «Dans bien des cas, l'investisseur à risque voudra une débenture, mais qui serait convertible en actions de l'entreprise au bout d'un certain temps.»

Deux pièges à éviter

Piège 1: «Se lancer avant d'avoir ficelé tout son montage financier», avertit Jean Gagnon. On veut, par exemple, acquérir un rival. On structure un levier fait de prêts à court et à long terme ainsi que de débentures convertibles. On passe à l'offre d'achat avant d'avoir tout conclu avec les prêteurs et, surprise, l'un d'eux renâcle et s'en va. Gros, gros problème.

Piège 2: «Ne pas tenir compte de toutes les variables dans le temps. » Avezvous pensé, dans vos calculs de remboursement, que le dollar, l'euro et toutes les monnaies fluctuent de mois en mois ? Avez-vous pensé que le coût actuel de vos matières premières pourrait être tout autre dans deux ans?