Le Québec, province agricole et forestière, est actuellement un importateur net de biocarburants. Sa production actuelle ne couvre pas la moitié de sa consommation. Mais le développement des biocarburants de deuxième génération pourrait permettre d'exploiter la biomasse. Et plusieurs entreprises actives au Québec comptent bien en profiter pour développer leurs activités. Tour d'horizon.

Une production insuffisante

Au Canada, les raffineurs mettent 10% d'éthanol dans l'essence à l'éthanol proposée dans les stations-service. Le Québec produit 175 millions de litres d'éthanol et 55 millions de litres de biodiesel, mais la province en consomme respectivement 400 millions et 100 millions chaque année, indique Greenfuels, l'Association canadienne des carburants renouvelables.

La part produite au Québec représente 10% des 2,2 milliards de litres de biocarburants raffinés dans l'ensemble du Canada en 2014. Depuis 2007, cette industrie a créé 14 000 emplois au pays et elle en crée 1000 supplémentaires chaque année, précise Greenfuels.

De la première à la deuxième génération

Le succès des biocarburants de première génération a été tel que l'opinion publique internationale s'est émue de voir des produits comestibles servir comme carburants plutôt que comme nourriture. Plus précisément, ces carburants produits à partir de canne à sucre et de maïs appartiennent à la première génération des biocarburants. Leur succès a aussi engendré une concurrence montante pour l'approvisionnement en matières premières entre les raffineurs et l'industrie agricole.

La deuxième génération de biocarburants vise à exploiter la biomasse, c'est-à-dire les résidus des coupes forestières, mais aussi les parties non comestibles des végétaux, voire des déchets urbains. Jusqu'à présent confinée dans les laboratoires de recherche, cette deuxième génération de biocarburants commence à aboutir à des projets industriels.

Le géant Ethanol Greenfield

La torontoise Ethanol Greenfield est le premier producteur d'éthanol au Québec et au Canada. Son usine de Varennes, qui sera prochainement rejointe par Vanerco, produit 175 millions de litres d'éthanol chaque année à partir de 16 millions de boisseaux de maïs.

À Varennes, Ethanol Greenfield se targue d'être un modèle d'efficacité énergétique et de consommation d'eau. Chaque année, l'usine produit 135 000 tonnes de drêches, des résidus de la distillation du maïs, qu'elle retourne aux agriculteurs pour l'alimentation animale.

Ethanol Greenfield évalue à plus de 300 000 tonnes sa contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Deux acteurs dans le biodiesel

La firme ontarienne Rothsay est la principale productrice de biodiesel au Québec. Elle produit 45 millions de litres de biodiesel par année dans son usine de Sainte-Catherine, sur la Rive-Sud. Cette filiale de la texane Darling International transforme des matières grasses animales et de l'huile de cuisson en carburant.

À Saint-Jean-sur-Richelieu, QFI Biodiesel transforme des huiles végétales usées en 3 à 4 millions de litres de biocarburant chaque année.

L'entreprise mise sur un investissement de 3 millions de dollars pour accroître sa production. «Nous approchons des municipalités pour leur proposer des alternatives au diesel», précise Youssef Farrie, directeur général de QFI Biodiesel. Dès 2016, M. Farrie vise une production de 10 millions de litres de biodiesel, et il espère pouvoir atteindre 20 millions de litres en 2017. L'entreprise montérégienne pourrait alors voir passer ses effectifs de 12 à 40 employés, indique-t-il.

Thetford Mines roule bio

Dès cette semaine, la quasi-totalité des véhicules routiers municipaux de Thetford Mines utilisera du biodiesel pur. «Il s'agit d'un essai jusqu'au mois de novembre», précise Olivier Grondin, le directeur général de la ville de Thetford Mines.

Durant cette période de test, les ateliers municipaux de la ville pourront vérifier les bénéfices attendus de l'ajout de biodiesel pur dans le diesel classique, sans modification matérielle. Au début, la concentration de biodiesel sera de 5%, avant d'être progressivement augmentée jusqu'à un maximum de 20%. Ce carburant est réputé pour moins encrasser les pièces, souligne M.Grondin, qui en attend des effets positifs sur l'entretien de la trentaine de véhicules concernés.

C'est la firme Innoltek, elle-même installée à Thetford Mines, qui fournira le biodiesel fabriqué à partir de matières recyclées. Tous les véhicules de la ville participeront au test, sauf le véhicule de protection incendie, pour des questions d'assurance, précise M. Grondin.

Vanerco: la deuxième génération en 2016

Deux grands acteurs de l'industrie des biocarburants, Ethanol Greenfield et Enerkem s'apprêtent à construire l'usine Vanerco à Varennes, en mettant à profit les techniques de deuxième génération. «Nous comptons lancer la construction dans les prochains mois, affirme Marie-Hélène Labrie, vice-présidente Affaires gouvernementales et communications chez Enerkem. =Nous sommes actuellement dans le processus d'évaluation environnementale.»

Cette coentreprise produira 38 millions de litres d'éthanol chaque année en transformant les déchets urbains grâce à un procédé de gazéification. Si ce volume paraît peu élevé, «il est toujours plus prudent de commencer avec des unités modestes avant de peaufiner le procédé par la suite», explique Jean-Michel Lavoie, professeur au département de génie chimique et de génie biotechnologique de l'Université de Sherbrooke.

IMAGE FOURNIE PAR ENERKEM

Vanerco, la future usine conjointe d'Enerkem et Ethanol Greenfield, produira 38 millions de litres d'éthanol par année, soit 20% de la production actuelle au Québec.

Les ambitions d'Enerkem

La firme montréalaise Enerkem a entamé des ententes préliminaires pour fournir des usines clés en main à plusieurs grandes villes sur la planète. «Shanghai est intéressée, assure Marie-Hélène Labrie, vice-présidente Affaires gouvernementales et communications chez Enerkem. La Chine est aux prises avec la pollution, la gestion des déchets et la nécessité d'utiliser des carburants plus propres.»

Enerkem entrevoit également un partenariat aux Pays-Bas, et avec plusieurs municipalités canadiennes.

Enerkem réalise toute l'ingénierie de ses usines au Québec, où elle compte 160 employés. L'entreprise avait réalisé ses tests à son usine pilote de Sherbrooke. Mais sa première usine de production a été implantée à Edmonton, où 110 000 tonnes de déchets urbains sont transformées en biométhanol par année. Edmonton valorise ainsi 90% de ses résidus domestiques, alors que la ville albertaine n'en traitait que 60 % auparavant grâce au recyclage et au compostage.

PHOTO NINON PEDNAULT, LA PRESSE

Marie-Hélène Labrie est vice-présidente, Affaires gouvernementales et communications chez Enerkem.