À l'approche de Saint-Hyacinthe, sur l'autoroute 20, un oeuf de la taille d'un camion est accroché au sommet d'un tripode.

Bienvenue dans la capitale québécoise de l'agroalimentaire.

La ville de 53 000 habitants est au coeur de la plaine la plus fertile du Québec. La région compte quelque 1400 fermes. Sur ses 364 entreprises, 110 relèvent du secteur agroalimentaire.

«On considère que 45% des emplois manufacturiers de la MRC ont une corrélation avec l'agroalimentaire», explique Mario De Tilly, directeur général du Centre local de développement (CLD) Les Maskoutains.

En 2011, les nouveaux investissements dans le secteur manufacturier se sont élevés à 146 millions de dollars - «une année correcte», qui se situe dans la moyenne des 15 dernières années, selon Mario De Tilly. Ce qu'il faut retenir, c'est que près de 70% de ces investissements ont été suscités par les secteurs de l'agroalimentaire et des biotechnologies.

Résultat, le secteur manufacturier a affiché en 2011 un gain net de 354 emplois, pour une croissance de 1,3%. Modeste? «C'est la troisième année consécutive avec une création d'emplois positive dans le secteur manufacturier, fait valoir M. De Tilly. C'est très rare au Canada.»

Cité de la biotechnologie

Il était logique de semer dans ce champ agroalimentaire pour faire éclore, en 2003, une Cité de la biotechnologie. «C'est l'outil d'internationalisation de notre territoire», décrit Mario De Tilly, qui en est également le directeur général.

Et en effet, la réputation maskoutaine traverse les frontières. En décembre 2011, sa Cité de la biotechnologie a reçu le prix du meilleur parc technologique en émergence de l'Association of University Research Parks (AURP).

Mais la véritable mesure du succès est plus concrète. En 2011, 13 projets industriels en provenance de l'étranger ont produit des investissements de près de 52 millions de dollars - plus du tiers des investissements manufacturiers de 146 millions. «Depuis maintenant trois ans, les investissements industriels supplantent, et de loin, les investissements publics, se réjouit Mario De Tilly. Pour nous, c'est une immense victoire.»

Se concentrer dans l'agroalimentaire, n'est-ce pas courir le risque de tout mettre ses oeufs dans le même panier? «La spécialisation est toujours un couteau à double tranchant», soulève Mario Polèse, spécialiste en économie urbaine au Centre Urbanisation Culture Société de l'INRS.

Ce couteau est toutefois un outil utile dans l'agroalimentaire, un secteur vaste et diversifié, «avec des entreprises de différentes tailles, ce qui constitue un énorme avantage».

L'agroalimentaire jouit également d'une certaine stabilité: on aura toujours besoin de manger. «C'est en général un secteur qui n'est pas très touché par les cycles économiques», souligne-t-il.

Par contre, il ne faut pas en attendre une croissance spectaculaire: l'appétit est limité par la satiété.

Autre atout, Saint-Hyacinthe se trouve près du grand et glouton marché montréalais. Cette proximité présente par contre un inconvénient: les emplois créés à Saint-Hyacinthe ne se traduisent pas nécessairement par des déménagements. Sur le plan de la migration interrégionale, la MRC des Maskoutains tire moins bien son épingle du jeu, avec un gain net d'à peine 43 habitants en 2010-2011. «Beaucoup de gens travaillent ici, mais on a encore un problème de rétention de population», confirme Mario De Tilly.

Digestion et biogaz

Un peu plus loin sur la 20, le long de la rivière Yamaska, s'élèvent les trois énormes cylindres de biométhanisation des boues de filtration de Saint-Hyacinthe, en fonction depuis un an. «On voit les silos, à la sortie 133», indique le maire de la ville, Claude Bernier.

Les boues produites par l'usine de filtration voisine sont desséchées après y avoir produit du biogaz... lequel, en retour, sert notamment à alimenter les brûleurs des séchoirs.

La phase II de la station permettra de traiter les résidus des industries alimentaires et les matières organiques résidentielles recueillies grâce à la collecte sélective, de même que les résidus de certaines municipalités voisines, soit quelque 130 000 tonnes de matières organiques. Le gaz ainsi produit servira à chauffer certains édifices municipaux et à mouvoir divers véhicules. Les surplus seront vendus à Gaz Métro.

Principal projet municipal en cours, il est doté d'un budget de près de 39 millions, partagé entre les trois ordres de gouvernement. «La construction pourrait débuter au cours des prochaines semaines», affirme M. Bernier.

D'une certaine manière, cette «biodigestion» de résidus organiques, comme on l'appelle, est l'autre issue du régime agroalimentaire auquel s'est voué Saint-Hyacinthe.