Pour être en mesure de répondre aux projets de leurs clients de plus en plus présents partout sur le globe, les firmes de génie-conseil doivent devenir des entreprises mondiales. C'est pourquoi le mouvement de consolidation va se poursuivre.

Depuis le début des années 90, le nombre de firmes membres de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ) est passé de 250 à 40. Les 10 plus importantes emploient plus 85% de la main-d'oeuvre, selon les chiffres de l'AICQ.

Cette consolidation n'a pas été un frein à la croissance, bien au contraire. L'industrie emploie aujourd'hui plus de 22 000 personnes comparativement à 8000 il y a 20 ans.

Bien qu'ils veuillent prendre de l'expansion afin de répondre à la demande mondiale, les dix plus gros joueurs de l'industrie québécoise ne semblent pas vouloir fusionner entre eux.

Ces firmes veulent plutôt acheter les petites et moyennes entreprises afin d'augmenter leur rayonnement. Elles veulent également ouvrir des bureaux à l'étranger.

«On préfère grandir plutôt que d'être acheté», dit Kazimir Olechnowicz, président de CIMA", présente dans 25 pays. Elle emploie notamment 200 personnes en Afrique.

L'Asie est aussi perçue comme une terre fertile pour le génie-conseil québécois. CIMA" y voit une occasion et a fait l'acquisition d'une firme qui compte une vingtaine d'employés au Vietnam. «C'est ainsi que l'on commence, et si cela se déroule bien, on va regarder du côté des voisins», dit M. Olechnowicz.

De ce groupe des 10, Dessau, non plus, n'est pas à vendre. «La firme existe depuis 54 ans et nous possédons la capacité et l'expertise», assure son président, Jean-Pierre Sauriol.

La firme n'est pas cotée en Bourse. Elle est la propriété de ses employés. Elle emploie 5000 personnes, dont 3000 au Québec.

Dessau a fait des acquisitions en Amérique latine. Elle est maintenant présente dans sept pays, dont l'Algérie, et dans les Caraïbes. De là, elle tente de s'étendre aux pays limitrophes. C'est la façon de pénétrer le marché, car dans ces pays, comme partout ailleurs, les dirigeants veulent créer des emplois locaux, explique M. Sauriol.

La bonne réputation des firmes canadiennes s'avère un atout dans les pays émergents. De gros projets sont appuyés et financés par des organismes telle la Banque mondiale. Ces organismes veulent s'assurer que les mandats seront bien administrés.

Même si cela implique une forte concurrence, les dix grandes firmes québécoises vont demeurer, croit également Pierre Shoiry, président de Genivar. L'industrie est encore très fragmentée à l'échelle mondiale, note-t-il. On recense 500 firmes de génie-conseil au Canada et 5000 aux États-Unis.

Acquisitions

Au Québec, Genivar est sûrement un des champions de la consolidation du génie-conseil. En octobre seulement, elle a procédé à deux autres acquisitions: le Groupe Giroux, un chef de file en arpentage et en géomatique, et ISAC, une firme spécialisée en intégration des services automatisés. «Nous cherchons à ajouter des parts de marché et de l'expertise afin de devenir meilleurs et plus gros», confie Pierre Shoiry.

Depuis le début de l'année, la firme a procédé à neuf acquisitions. C'est parce que les projets sont plus importants et que les clients se globalisent que cette consolidation est devenue nécessaire, selon M. Shoiry. Il cite l'exemple du secteur des ressources qui a vu Alcan devenir propriété de Rio Tinto.

Au Québec, les revenus de Genivar ont doublé depuis 2006. Malgré cela, ils ne représentent plus que 45% des revenus totaux de la firme, comparativement à 90% il y a cinq ans, preuve de son émancipation à l'étranger.

SNC-Lavalin a aussi participé à la consolidation de l'industrie au cours des derniers mois. Le 4 octobre, elle annonçait l'acquisition d'Interfleet Technology, après avoir complété l'achat d'Altal Ink le 20 septembre.

Spécialisation

Si le secteur du génie-conseil se consolide, c'est pour répondre aux besoins des clients. Ces besoins sont de plus en plus complexes et de plus en plus imposants, explique Jean-Pierre Sauriol. «Pour réaliser leurs projets, ils veulent retrouver l'ensemble des services d'ingénierie à un même endroit», dit-il.

Les clients n'ont plus la volonté de conserver une équipe qui pourrait intégrer les différents éléments d'un projet en faisant appel à plusieurs petites firmes, ajoute Steeve Fiset, président de BBA. Le présent et l'avenir sont au regroupement.

Mais il y a également une autre piste de croissance, soit les groupes nichés. C'est la route qu'a choisie BBA qui se spécialise dans le secteur industriel, principalement les mines et l'énergie

Pour être compétitives, les entreprises québécoises doivent atteindre une certaine masse critique. C'est ce qui a forcé le secteur du génie-conseil québécois à se consolider, selon Jean-Pierre Sauriol.

Si l'on se regroupe, c'est aussi dans le but d'être partout dans la province, explique Kazimir Olechnowicz. «Être dans les régions optimise la relation avec le client», dit-il.

La consolidation, c'est aussi pour faire face à la concurrence étrangère. Les firmes étrangères n'étaient pas au Québec il y a à peine cinq ans. Mais ce n'est plus le cas.

Un coup de semonce a retenti lorsque AECOM, un géant américain, a acquis la montréalaise Tecsult en 2008. Bechtel, une autre américaine, et la société anglaise AMEC sont aussi parmi les grandes entreprises mondiales du génie-conseil bien installées à Montréal.

Dans le projet du CHUM et de l'autoroute 30, on trouve deux firmes espagnoles en haut de la pyramide, rappelle Kazimir Olechnowicz. Le Québec et le Canada sont perçus comme de bons endroits pour le développement industriel et celui des infrastructures, ce qui attire les entreprises étrangères.