Le projet de loi 14 du gouvernement du Québec sur la mise en valeur des ressources minérales dans le respect des principes du développement durable suscite la grogne chez les sociétés minières.

Quels impacts concrets ce projet de loi pourrait-il avoir sur leurs activités et les nombreux projets miniers du Plan Nord?

S'il est adopté, le projet de loi 14 obligera les compagnies minières à faire affaire différemment avec les municipalités.

«Les municipalités auront plus de pouvoir sur le développement minier sur leur territoire. Les sociétés minières devront donc travailler avec elles puisqu'elles auront besoin de leur autorisation avant d'aller de l'avant avec un projet», explique Marc Dorion, avocat chez McCarthy Tétrault.

«Les municipalités pourront soustraire une partie ou la totalité de leur territoire au développement minier. Les sociétés minières qui ont des claims sur les territoires soustraits au développement minier les perdront sans compensation», ajoute Jean Masson, avocat associé chez Fasken Martineau spécialisé dans les enjeux du Plan Nord.

Un autre élément majeur du projet de loi est que les sociétés minières devront donner une garantie financière au gouvernement pour la restauration du site.

«Ainsi, si la société minière ne restaure pas, le gouvernement pourra aller chercher la garantie», explique Me Masson.

«Le taux de taxation augmentera également», ajoute Me Dorion.

Impacts limités

Les deux experts consultés croient que le projet de loi 14 aura peu d'impact sur les projets miniers du Plan Nord. Ils seraient très surpris que les municipalités situées sur le territoire du Plan Nord se braquent contre les projets miniers.

«Par exemple, Val-d'Or ne changera pas sa réglementation demain matin pour soustraire son territoire aux projets miniers. Val-d'Or vit des mines», affirme Me Dorion.

«C'est la même chose avec la Baie-James, où on attend le Plan Nord avec impatience. À Sept-Îles, à Baie-Comeau et à Schefferville, c'est la même chose. Le projet de loi 14 aurait peu d'impact parce qu'on s'attend à ce que les municipalités soient favorables au développement minier», ajoute Me Masson.

Marc Dorion remarque aussi que sur le territoire du Plan Nord, les sociétés minières sont habituées de travailler en concertation avec les municipalités, les communautés locales et les Premières Nations.

«Il y a un très haut niveau de concertation dans le Nord. De plus en plus, les sociétés savent qu'elles doivent avoir l'appui des communautés locales pour faire des projets majeurs. Si les minières s'opposent au projet de loi 14, c'est plutôt pour l'impact qu'il aura au sud du Québec, dans les milieux périurbains», affirme-t-il.

Garanties de restauration

Pour ce qui est de la garantie de restauration, Me Masson ne croit pas que cela va faire en sorte que des sociétés minières abandonneront des projets.

«Elles sont contre l'idée, entre autres parce qu'on ne demande pas de garanties de restauration dans d'autres secteurs d'activités, précise-t-il. Par contre, dans le passé, il y a eu des problèmes qui ont été dénoncés par le vérificateur général. Des sites ont été abandonnés sans être restaurés. Dans une perspective de développement durable, on ne peut pas s'opposer à ça. Les minières n'aiment pas l'idée, mais elles vont s'ajuster.»

Pour le taux de taxation maintenant, Me Dorion croit aussi que les sociétés minières s'ajusteront.

«Le Québec demeure un endroit très attirant, affirme-t-il. De plus, c'est un bon moment en raison de la forte demande en ce qui a trait aux ressources naturelles.»

Peut-on s'attendre à ce que le projet de loi soit adopté?

«Oui, affirme Me Masson, mais ce sera long. Le projet de loi est toujours à l'étude en commission parlementaire. Toutefois, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune ne semble pas démontrer beaucoup d'intérêt à y apporter des changements.»

DES SUGGESTIONS POUR LA TRANSITION VERS LES NOUVELLES RÈGLES

Le point de vue de Marc Dorion, avocat chez McCarthy Tétrault:

1- Exiger que les élus municipaux soient formés.

«Il y a des éléments très complexes dans les projets des sociétés minières, affirme Me Dorion. Les élus et leurs représentants doivent avoir la formation nécessaire pour les analyser. Sinon, certains pourraient prendre énormément de temps pour les regarder et cela créerait de l'incertitude. Or, lorsqu'elles envisagent un projet, les sociétés regardent le temps nécessaire avant la mise en service commerciale. Leur horaire doit être prévisible.»

2- Évaluer l'impact de la perte de claims pour les sociétés minières.

«Il y a 150 projets miniers actuellement au Québec, affirme Me Dorion. Si quelques-uns tombent avec la décision de municipalités, je crois que le gouvernement devrait regarder quelles sommes ont été investies dans les projets par les minières et trouver des mesures pour atténuer l'impact. Ça pourrait être une clause qui ferait en sorte que le projet ne serait pas visé par la loi. On pourrait aussi donner une forme de compensation. Ça prend une règle transitoire.»