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L’innovation

Augmenter l’autonomie et la rapidité des drones notamment en utilisant le vent et les courants ascendants, grâce à un logiciel appelé Smart Flight. Recourant à l’intelligence artificielle (IA) pour générer les trajets les plus efficaces, il peut réduire de 25 % la durée et multiplier par 9 l’autonomie en vol.

Qui ?

Tout commence vers 2014 avec les recherches d’un professeur de l’Université d’État de la Pennsylvanie, Jack Langelaan. Son équipe et lui travaillent pendant cinq ans sur des solutions pour donner plus d’autonomie à ce qu’on appelle les « véhicules aériens sans pilote », ou UAV en anglais, notamment les drones autonomes.

En 2019, l’incubateur montréalais TandemLaunch signe un partenariat avec l’Université pour exploiter cette technologie. En décembre cette année-là, on embauche Alexandre Borowczyk, titulaire d’une maîtrise en ingénierie aérospatiale, aéronautique et astronautique de Polytechnique Montréal.

« Je travaille sur les drones depuis une dizaine d’années, précise M. Borowczyk. J’ai contribué au Kenya au développement d’un programme de drones d’urgence, avec les talents locaux. Ça les a beaucoup aidés, mais c’était dur à réaliser, c’était très compliqué. Quand je suis revenu à Montréal, je voulais régler ce problème. »

La technologie développée en Pennsylvanie entre alors dans une deuxième phase de recherches qui a permis « d’élargir l’application », explique Chad Armstrong. Cet entrepreneur en série, titulaire d’un baccalauréat en ingénierie électrique de l’Université McGill et d’un MBA de l’institut international INSEAD, a été recruté par TandemLaunch en 2021. C’est l’année où Shearwater Aerospace a été officiellement incorporée. Alexandre Borowczyk en est le directeur de la technologie, Chad Armstrong, le PDG. L’entreprise a ses bureaux dans le quartier montréalais de Saint-Henri et compte cinq employés à temps plein.

Le produit

Le logiciel de Shearwater aide tout simplement les drones autonomes à prendre par eux-mêmes les meilleures décisions. Il s’intègre au système d’autopilotage existant, avec deux variantes appelées « modules », Smart Planning et Smart Guidance.

Smart Planning permet de créer la route la plus rapide entre deux points, qui n’est pas nécessairement la ligne droite, en tenant compte des vents, des obstacles et des zones interdites de vol. On estime qu’il permet alors de réduire de 25 % la durée du vol et de 30 % la consommation d’énergie.

Smart Guidance, lui, contrôle le drone qui doit quadriller une zone donnée. Le drone utilise notamment les courants d’air chauds ascendants pour reprendre de l’altitude sans épuiser sa pile. Cette utilisation pour ce qu’on appelle en anglais loitering (« flânage ») permet une augmentation de 800 % de l’autonomie.

Nous appliquons différents types d’intelligence artificielle pour que les drones volent comme des oiseaux, pour rester dans les airs. En analysant beaucoup d’informations, les objectifs, la météo, l’espace aérien, les capteurs dans le drone optimisent l’information et donnent une compréhension en temps réel de l’environnement.

Chad Armstrong, PDG de Shearwater Aerospace

Shearwater compte cinq clients importants, dont Lockheed Martin, le seul avec lequel l’association a été rendue publique. Smart Flight est considéré aujourd’hui comme un produit prêt à la commercialisation à plus grande échelle, un « Minimum Viable Product » ou MVP dans le jargon. Shearwater a lancé récemment sa ronde de financement de démarrage. « Mais le marché n’est pas au mieux, admet M. Armstrong. On croise les doigts pour atteindre 2 ou 2,5 millions US. »

Les défis

Pour ce produit basé sur l’IA, ce n’est pas tant la technologie que la réglementation qui constitue le principal obstacle. « Le plus gros défi est celui de la régulation de l’espace aérien, surtout au Canada, précise le PDG. Ça limite l’utilisation, l’application et la valeur que vous pouvez tirer du drone. Nous comprenons, le but est la sécurité… Nous avons donc travaillé avec d’autres entreprises dans d’autres pays. »

Cela dit, le défi technologique est majeur, ajoute M. Borowczyk. « Nous résolvons un problème très difficile : des machines qui doivent être très performantes, qui n’ont pas beaucoup de puissance de calcul dans des environnements très durs. Il y a beaucoup de choses que nous ne contrôlons pas. »

Smart Flight et ses promesses alléchantes d’autonomie multipliée par neuf, dans certaines circonstances, suscitent parfois le scepticisme, note M. Armstrong. « Surtout quand on le présente verbalement et que les gens n’ont pas les données. Ceux qui comprennent, qui connaissent les planeurs qui peuvent voler sans énergie des heures et des heures, sont émerveillés par les possibilités. »

L’avenir

Un troisième module appelé Smart Collaboration, qui permettra à plusieurs drones de collaborer en vue d’une meilleure efficacité, est actuellement à l’essai.

Après les drones, on veut installer Smart Flight sur d’autres types de véhicules aériens, comme des dirigeables ou des plateformes à haute altitude.

Dans une version précédente, nous mentionnions la mise sur pied d’une « ronde de financement de série C ». La confusion vient d’une prononciation ambigue en anglais. Il s’agit en fait d’une ronde de financement de démarrage (« seed round »).

Consultez le site de Shearwater Aerospace (en anglais)