Silvia Todorova, présidente fondatrice d’Anatis Bioprotection.

QUI

D’origine bulgare, elle est arrivée à Montréal en 1990. « Avec 10 $ en poche ! se rappelle-t-elle. J’ai pris un vol vers Cuba. À cette époque, on n’avait le droit de voyager que dans les pays communistes. Il y a eu une escale à Montréal pour un ravitaillement. Je suis descendue de l’avion sans jamais y remonter. »

Après une maîtrise et un doctorat en sciences de l’environnement, elle a fondé Anatis Bioprotection, en 2005, qui consacre sa recherche et son expertise à des insectes et à des champignons qui viennent en aide aux agriculteurs qui veulent s’éloigner des pesticides chimiques.

L’entreprise compte 32 employés à pied d’œuvre notamment dans une ferme de Saint-Jacques-le-Mineur, en Montérégie, achetée en 2008 « alors en très mauvais état ». On y élève des acariens et des insectes « prédateurs » qui, une fois lâchés dans les champs de maïs sucré, éliminent les insectes « ravageurs » qui s’en prennent aux récoltes.

LE PRODUIT

Une des espèces élevées chez Anatis se nomme la Trichogramma ostriniae. Cette minuscule guêpe est envoyée en mission dans les champs et les serres pour s’attaquer à la pyrale du maïs, un papillon ravageur de récoltes ; sa larve se nourrit de l’embryon de la pyrale.

« C’est une science qui existe depuis très longtemps, on n’a rien inventé, convient Silvia Todorova. Mais on a identifié les prédateurs potentiels pour des insectes. J’ai toujours travaillé dans la lutte biologique et souhaité qu’on relie la science appliquée aux producteurs agricoles. Ceux-ci voient la résistance des insectes aux produits chimiques. Ils doivent chaque fois trouver quelque chose de plus toxique. Ils sont les premiers à demander des solutions. »

Les microguêpes sont habituellement envoyées, à coup de 8000, aux agriculteurs dans des petits cartons pliés. Ceux-ci sont installés aux plants sur la terre à tous les 10 m de territoire.

  • Capsules avec des microguêpes.

    PHOTO FOURNIE PAR ANATIS BIOPROTECTION

    Capsules avec des microguêpes.

  • Carton installé dans les champs

    PHOTO FOURNIE PAR ANATIS BIOPROTECTION

    Carton installé dans les champs

1/2
  •  
  •  

L’INNOVATION

En début d’année, Anatis Bioprotection a convaincu des agriculteurs de répartir sur leurs terres les microguêpes d’une autre façon : en utilisant des drones. L’entreprise avait ce projet en tête depuis près de cinq ans. « Au départ, quand j’ai contacté les producteurs pour valider cette solution, il n’y avait aucun intérêt de leur part », raconte Silvia Todorova. Par contre, à cause de l’évolution de la technologie, du contexte environnemental, de la pénurie de main-d’œuvre et du fait que cette façon de faire est maintenant utilisée en Europe et en Amérique latine, le vent a tourné.

Anatis Bioprotection, en collaboration avec Drone Des Champs, offre un service clés en main. Drone, manipulation et programmation du vol inclus ! L’entreprise travaille notamment avec Bonduelle et ses fermiers. Cette nouvelle façon de procéder ne coûte pas plus cher, au dire de Mme Todorova. « Mais pour être rentable et concurrentiel, on doit avoir une terre d’au moins 10 hectares. »

L’AVENIR

Le chiffre d’affaires d’Anatis Bioprotection double chaque année. « La preuve qu’on est de plus en plus conscientisés, affirme Silvia Todorova. Le marché nous est favorable. C’est aussi parce que l’entreprise s’est développée, qu’on a renforcé notre marketing, engagé des représentants, homologué nos produits aux États-Unis, en Afrique et en Amérique centrale notamment. »

Et puis, l’entreprise n’opère pas qu’avec les insectes. Ses chercheurs travaillent avec des microchampignons qui détruisent des insectes tels les mouches blanches et les pucerons. Ils s’affairent également à peaufiner une façon pour les abeilles de quitter leur ruche avec un produit placé devant des trappes qu’elles pourraient distribuer aux « ravageurs » lors de la pollinisation. « Nous ne voulons pas éliminer à 100 % les prédateurs, mais baisser leur présence sous un seuil non nuisible, pour sauver les récoltes, explique Silvia Todorova. Chaque insecte a son rôle dans la chaîne. »